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L’entraînement intermittent en… fractale !

Les bons plans d’entraînement sportif ressemblent de plus en plus à des fractales.

 


Une fractale est une structure dont les détails se répètent à toutes les échelles. Si on zoome continuellement sur une fractale, on retrouve la même structure qui se reproduit encore et encore, de plus en plus petite


 

Déjà dans les années 1980, quand les formules de périodisation de l’entraînement sont devenues en vogue – en réalité, c’est en 1917 qu’elle a été inventée par le Soviétique Kotov ! –, on pouvait remarquer que l’alternance apparaissait à plus d’une échelle.

Trois échelles, en fait :

  • 1ière échelle : Dans une séance d’entraînement par intervalles (EPI), les répétitions d’effort alternent avec les périodes de récupération.
  • 2ièmeéchelle : Dans une semaine d’entraînement, le degré de difficulté varie entre, d’une part, les journées avec séance ardue (souvent intermittente, ou longue) et, d’autre part, les journées de récupération passive ou active.
  • 3ième échelle : Dans les cycles d’entraînement (mésocycles, macrocycles), la charge d’entraînement varie au fil des semaines suivant divers modèles ; par exemple : trois semaines d’augmentation de la charge globale d’entraînement, puis une semaine de charge allégée ; et rebelote.

Si vous voulez pousser encore plus loin l’idée de fractale, vous pouvez penser à d’autres échelles d’alternance. Par exemple à l’échelle d’une année, pendant laquelle se succèdent l’entraînement « spécifique » de la saison de compétition, et l’entraînement complémentaire ou la préparation physique générale de l’intersaison. Autres niveaux d’alternance : les années d’entraînement plus ou moins intensif ou plus ou moins « spécifique » d’un cycle olympique ; périodes de la vie du sportif franchissant les échelons, puis vieillissant, etc.

Ce qui est intéressant, c’est que des études récentes suggèrent qu’en poussant encore plus loin la programmation de l’entraînement suivant une formule s’apparentant à une fractale, on pourrait améliorer davantage la performance dans les sports d’endurance.

Dans l’étude Optimizing Interval Training Through Power-Output Variation Within the Work Intervals (2020), 14 cyclistes de bon niveau (VO2max moyen de 69,2 mL/kg/min) ont effectué en laboratoire des séances d’EPI où chaque période d’effort était exécutée ou bien à intensité constante (formule traditionnelle), ou bien à intensité variable (formule innovante). On voulait vérifier si la seconde formule permet d’accumuler plus de temps à une consommation d’oxygène proche du VO2max.


Formule avec fractions d’effort d’intensité constante : 6 répétitions de 5 min à intensité constante de 84 % de la puissance aérobie maximale (PAM), entrecoupées de 2 min 30 s de récupération à 30 % PAM ;

Formule avec fractions d’effort d’intensité variable : 6 répétitions de 5 min à intensité variable, soit 3 x 30 s à 100 % PAM, entrecoupées de 1 min de récupération à 30 % PAM, puis 1 min 30 s à 77 % PAM ; récupération de 2 min 30 s à 30 % PAM entre les blocs intermittents de 5 min.


Pendant les séances avec fractions d’effort à intensité variable, les cyclistes ont accumulé beaucoup plus de temps à un VO2 correspondant à plus de 90 % de leur VO2max : 6 min 50 s vs 4 min 46 s, soit une différence de 30 %. Pourtant, entre les deux conditions expérimentales, il n’y avait aucune différence significative pour plusieurs des mesures comme les fréquences cardiaques, les concentrations plasmatiques de lactate, l’effort perçu, etc.

S’il est vrai (comme plusieurs le pensent, même si ce n’est pas prouvé) qu’on améliore de façon plus rapide et plus importante le VO2max si nos séances d’EPI permettent d’accumuler beaucoup de temps à un VO2 proche ou égal au VO2max*, on aurait avantage à exécuter chacune de nos répétitions d’effort à une intensité qui varie, et non pas à intensité constante.

D’autres études font ressortir qu’on aurait avantage à pousser encore plus loin la programmation de l’entraînement en fractale.

Dans l’étude Effects of 12 weeks of block periodization on performance and performance indices in well-trained cyclists (2014), des cyclistes entraînés ont effectué 5 séances hebdomadaires d’EPI une semaine sur 4, et une seule séance d’EPI hebdomadaire les 3 autres semaines.

Nombre de séances hebdomadaire d’EPI
Semaine no Groupe expérimental Groupe témoin
1 5 2
2 1 2
3 1 2
4 1 2
5 5 2
6 1 2
7 1 2
8 1 2
9 5 2
10 1 2
11 1 2
12 1 2

Au terme des 12 semaines du protocole, l’augmentation du VO2max était plus élevée chez les participants qui avaient exécuté ces trois cycles de quatre semaines, que chez ceux du groupe témoin qui avaient suivi un protocole traditionnel d’entraînement, composé de deux séances hebdomadaires d’EPI tout au long des 12 semaines. L’amélioration était beaucoup plus prononcée dans le groupe expérimental (8,8 %) que dans le groupe témoin (3,7 %).

La recherche Block vs. Traditional Periodization of HIT : Two Different Paths to Success for the World’s Best Cross-Country Skier (2019) va dans le même sens.

Menée auprès d’une skieuse de fond de très haut niveau, cette étude de cas indique qu’une année d’entraînement alternant des semaines avec un grand nombre de séances intensives et des semaines avec un petit nombre de séances intensives s’accompagnait des mêmes niveaux de performance qu’une périodisation plus traditionnelle, mais avec un volume total d’entraînement moins élevé.

Voilà donc deux recherches indiquant l’intérêt d’alterner des semaines où l’on effectue un grand nombre de séances de haut degré de difficulté avec des semaines où l’on en fait très peu.

Reste à savoir si nous pourrions accentuer davantage l’amélioration à l’aide de programmes d’entraînement suivant une formule poussant encore plus loin la structure en fractale !


* Cette hypothèse (émise ou évoquée surtout par la Française Billat en 2001, les Britanniques Midgley et McNaughton en 2006, et le Norvégien Rønnestad en 2019) est mise en doute. En effet, des études menées auprès d’athlètes en bonne forme suggèrent que l’EPI où l’on enchaîne de très courts sprints d’intensité très élevée permet d’augmenter très efficacement le VO2max et la performance en sports d’endurance. Voir notamment : Interval training program optimization in highly trained endurance cyclists (2002), et Manipulating high-intensity interval training : effects on VO2max, the lactate threshold and 3000 m running performance in moderately trained males (2007). Or, dans ce type de séances, le temps accumulé à plus de 90 % du VO2max n’est que de quelques secondes, alors qu’il peut atteindre 10-15 min et même plus pendant une séance d’EPI où les fractions d’effort ne sont pas aussi intenses. Voir notamment : High-intensity interval training, solutions to the programming puzzle : Part I : cardiopulmonary emphasis (2013). Peut-être que l’on peut améliorer l’aptitude aérobie à la fois à l’aide de séances où l’on accumule beaucoup de temps à un VO2 proche du VO2max, et des séances composées de sprints.


Avec la participation de Myriam Paquette, Ph. D., physiologiste de l’exercice, Institut national du sport du Québec.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

  1. Daniel dit :

    Il y a une erreur dans votre texte. Selon l'étude, la formule à intensités variables est plutôt de 6 x 30s à 100% / 60s à 77% / 30s à 100% / 60s à 77% / 30s à 100% / 90s à 77% / 150s à 30%. Pas mal plus difficile.

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