De plus en plus populaires à travers le globe, les courses de type backyard ultra intriguent et attirent un grand nombre de coureurs, amateurs comme professionnels.
Inspirés de la mythique Barkley Marathon, les événements de type backyard ultra ou last man standing ont lieu autour d’une boucle de 6,706 kilomètres (ou 4,167 miles) comportant peu de dénivelé, qu’il faut franchir en 60 minutes ou moins. Pourquoi cette distance bizarre ? Parce qu’à l’origine, l’idée était de totaliser 100 miles en 24 heures.
À chaque heure, le chrono repart à zéro et chaque personne qui a complété la dernière boucle dans les temps est encore dans la course… jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un coureur, qui remporte la victoire.
Le caractère répétitif est plutôt simple en termes de règlement, mais peut rapidement devenir très complexe à gérer, vu l’aspect aliénant de la course. C’est notamment l’objectif de repousser les limites du corps humain qui attire autant les participants. Le record actuel, détenu par l’Américain Harvey Lewis, est de 108 tours, soit 724,25 km.
Il existe désormais plusieurs variantes de ce type de course. Une version hivernale est même apparue au calendrier québécois cette année, ajoutant un niveau de complexité supérieur avec le couvert neigeux et le froid. Certains événements ont lieu sur route, d’autres en sentiers. Quelques-uns limitent la durée à 24 heures, alors que d’autres sont de durée indéterminée. Mais les règles de base demeurent :
- Chaque tour doit être une boucle ou un aller-retour sur le même parcours ;
- Chaque coureur doit se trouver dans l’aire de départ quand la cloche retentit à chaque heure, sinon, c’est l’élimination ;
- Sauf en cas d’abandon, aucun coureur ne peut quitter la course ;
- Le soutien externe n’est pas autorisé sur le parcours, mais il l’est entre les boucles ;
- Les bâtons de marche sont interdits.
Comment gère-t-on de telles compétitions ?
En fait, il existe une multitude de stratégies pour compléter un maximum de tours.
Dans Nouveaux formats de course, nouveaux engagements ? L’exemple des courses de type « Backyard », on a interrogé 1796 coureurs de trail sur leurs habitudes d’entraînement, dont 389 ont déjà participé à un événement de type backyard. De ces derniers, la très grande majorité s’entraînent sans entraîneur ni adhésion à un club de course. Et plus des trois-quarts s’entraînent au moins trois fois par semaine. La plupart s’entraînent évidemment en course à pied, mais l’entraînement croisé est aussi de mise, avec une forte propension aux sports d’endurance extérieurs. Il semble aussi qu’aux yeux de plusieurs coureurs en sentiers, les backyards, par leur format atypique, constituent « un espace protégé, sécurisé et ludique, propice à la répétition, en vue d’une future performance, sur une plus grande scène, où l’abandon ne serait plus la norme, mais un simple échec ». Participer à un événement de type backyard est donc idéal pour apprendre à gérer son effort sur de très longues périodes.
Plus spécifiquement, comment s’entraîne-t-on pour ce genre d’événements ?
Spécialisée en ultracyclisme et en course en sentiers, je n’ai pas d’expérience dans des événements de type backyard, et la littérature scientifique est assez pauvre sur ce sujet. Mais voici ce que préconisent certains athlètes et entraîneurs de renom.
Tous s’accordent sur un point : pour arriver à compléter un grand nombre de tours, l’entraînement physique est certes important, mais l’entraînement mental et l’optimisation du délai entre les boucles le sont tout autant, sinon plus.
Comme la vitesse de chaque tour ne constitue pas un enjeu pour qui remportera les honneurs, la tendance est de courir les 6,706 km à un rythme confortable, mais assez vite pour avoir suffisamment de temps de récupération entre les boucles.
Il faut donc trouver son juste milieu. Pour Véronica Leeds, entraîneure en course d’ultra, s’entraîner pour un événement de type backyard c’est comme préparer des ultramarathons : on mise plus sur les séances d’entraînement « continu lent » que sur celles axées sur la vitesse. S’entraîner à maintenir une vitesse constante en prévision de l’événement est primordial. Il est tout aussi important de se pratiquer sur un terrain avec une technicalité et un dénivelé se rapprochant le plus possible de ce qui prévaudra en compétition. Il peut aussi être aidant de simuler des courses intermittentes et très longues, tout en tentant d’être le plus efficace possible durant les pauses. C’est encore plus important pour les athlètes n’ayant pas d’équipe de soutien.
Pour Courtney Dauwalter, gagnante chez les femmes de l’Ultra-trail du Mont-Blanc et de la Western States 100 en 2023, en plus d’accumuler plusieurs victoires dans des événements de type backyard, il est important de prendre du temps pour se masser et s’étirer entre les boucles. Devant souvent courir pendant plusieurs jours, elle s’alloue souvent 8 à 10 minutes du temps restant après une boucle courue pour dormir.
Quant au champion Harvey Lewis, il court ses tours en 48 à 55 minutes ; ça ne lui laisse donc que peu de temps pour se reposer. La fatigue devient si intense après quelques jours à tourner en rond qu’il s’alloue des micro-siestes d’une ou deux minutes chaque boucle, ce qu’il trouve suffisant. Pour lui, suivre son intuition et d’écouter son corps à l’entraînement est très important. Il est convaincu que le fait de croire en ses capacités est déterminant pour réussir un tel exploit.
Chaque personne est différente et les besoins nutritionnels et le niveau de confort divergent nécessairement, mais il arrivera probablement un moment où une alimentation plus soutenante que des gels et des barres énergétiques sera indiquée, et où le besoin de se changer ou de dormir se fera sentir.
Courtney Dauwalter consomme quelques collations énergétiques pendant les tours, alors qu’entre certaines boucles, elle se permet quelques en-cas qui pourraient faire sourciller des nutritionnistes : pizza, cheeseburger, patates frites, etc.
Elle se change de tenue toutes les douze heures environ. L’aspect psychologique et le réconfort procuré par des vêtements secs et un repas chaud ne sont pas à négliger dans ce genre de défi d’endurance, tout comme les micro-siestes et les « aliments bonheur ». La plupart des athlètes prennent soin de placer méticuleusement leurs aliments et leurs effets personnels en tenant compte de l’évolution anticipée des besoins.
Enfin, dans cet univers où la camaraderie règne, les athlètes les plus persévérants considèrent les événements de type backyard comme une joute de poker. Les stratégies varient, mais la tendance est de ne pas dévoiler son jeu, trompant ainsi les adversaires.
Alors, êtes-vous tentés de découvrir jusqu’où vous pouvez repousser vos propres limites dans cette aventure ultime ?
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