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Intensité d’entraînement : infra-maximale ou supra-maximale ?

 

Il est bien connu que l’entraînement par intervalles (EPI) s’accompagne toujours d’améliorations plus prononcées et plus rapides de la performance dans les sports d’endurance que l’entraînement continu. Mais parmi les différentes formules d’EPI, lesquelles sont les plus efficaces ? Celles où l’intensité des fractions d’effort est inférieure ou supérieure à la puissance aérobie maximale (PAM) ?

Afin d’apporter un éclairage sur cette question, je me suis associé avec des collègues de la Faculté de médecine de l’Université Laval et de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de l’Hôpital Laval de Québec. Nous avons mené une étude comparant l’effet de deux formules d’EPI : infra-maximale et supra-maximale à vélo : Effects of submaximal and supramaximal interval training on determinants of endurance performance in endurance athletes (2016).

Au cours des séances à intensités infra-maximales, l’intensité des répétitions d’effort est inférieure à la puissance correspondant au VO2max (la PAM). Inversement, au cours des séances à intensités supra-maximales, l’intensité des répétitions d’effort est supérieure à la PAM.

Pour apprendre ce qu’est le VO2max, voir : Le fameux VO2max, vous connaissez ?

Nos sujets étaient 18 cyclistes et triathloniens entraînés et en bonne forme (VO2max moyen de 56 ml/kg/min). Ils ont été assignés aléatoirement à l’un ou l’autre des groupes suivants d’entraînement cycliste :

  • groupe infra-maximal : fractions d’effort de 1 à 7 minutes à intensité élevée (85 % de la PAM) entrecoupées de périodes de récupération active deux fois plus courtes ;
  • groupe supra-maximal : fractions d’effort de 30, 40, 50 ou 60 secondes à intensité très élevée (115 % de la PAM) entrecoupées de périodes de récupération active deux fois plus longues.

Tous les sujets ont effectué trois séances d’EPI par semaine (sur home trainer) pendant six semaines. Afin que le degré de difficulté soit le même dans les deux groupes, nous avons établi une règle un peu sadique : tous les sujets devaient, à chaque séance, effectuer le plus grand nombre de répétitions possible. Autrement dit, toutes les séances menaient à un épuisement total !

On a mesuré le VO2max des participants avant et après les six semaines d’entraînement intensif.

Les sujets des deux groupes ont amélioré de 5,9 % leur VO2max, le plus important déterminant de la performance en sports d’endurance.

C’est une amélioration remarquable pour des sujets déjà bien entraînés. Rappelons qu’une augmentation même minime du VO2max peut grandement accroître les performances.

A priori, on pourrait conclure que les séances d’EPI avec fractions d’effort d’intensité infra-maximale ou supra-maximale ont la même valeur, puisque l’amélioration du VO2max était la même dans les deux groupes. Mais attention ! Le temps accumulé de pédalage était beaucoup moins élevé chez les sujets du groupe supra-maximal (en moyenne 19 minutes par séance) que chez ceux du groupe infra-maximal (en moyenne 37 minutes par séance).

Notre recherche révèle donc l’intérêt de l’EPI avec fractions d’effort d’intensité supra-maximale, parce qu’on obtient les mêmes améliorations en à peu près deux fois moins de temps d’effort accumulé !

Si vous êtes tenté d’épicer votre programme d’entraînement cycliste de séances d’EPI avec des fractions d’effort d’intensité supra-maximale, vous pourriez exécutez les séances avec brèves fractions d’effort de notre application d’EPI, ou vous inspirer des séances de notre protocole.

Séance numéro Durée des fractions d’effort (secondes) Durée des périodes de récupération active (secondes)
1 30 60
2 40 80
3 50 100
4 60 120

En moyenne, nos sujets – déjà très en forme, rappelons-le – ont réussi à faire respectivement 46, 30, 22 et 15 répétitions dans les séances 1, 2, 3 et 4. Mieux vaut cependant faire preuve de sagesse en visant un nombre de répétitions 10 à 20 % moins élevé. Inutile de vous « pousser » au maximum à chaque séance puisque vous obtiendrez quand même des résultats.

Afin de vous assurer d’exécuter vos fractions d’effort à l’intensité cible de 115 % de votre PAM, l’idéal est d’évaluer votre PAM avec un appareil affichant votre puissance de pédalage (en watts) en temps réel, et d’ajouter 15 % à votre PAM. Par exemple, si votre PAM est de 300 watts, faites vos fractions d’effort à 345 watts.

Pour apprendre comment estimer votre PAM, voir : Comment mesurer sa puissance aérobie maximale (PAM).

Vous n’avez pas l’appareil en question ? Pas de soucis ! Fiez-vous à vos sensations, tout simplement. Essayez de pédaler au même niveau d’intensité à chaque répétition, tout en visant un degré global de difficulté quasi maximal. L’intensité de vos fractions d’effort sera alors suffisamment proche de la cible de 115 % de la PAM pour que vous puissiez obtenir les améliorations escomptées.

Si vous craignez que les fractions d’effort d’intensité supra-maximale ne soient nocives pour votre cœur, vous voudrez sans doute lire : Faut-il craindre la mort subite dans le sport ?.

Bref, l’EPI à intensité supra-maximale semble supérieur à celui à intensité infra-maximale.

On peut penser que cette formule d’EPI donne aussi de bons résultats dans d’autres sports d’endurance, par exemple la course à pied, la natation ou le ski de fond. Il faudra cependant mener d’autres recherches pour cerner plus précisément les meilleures intensités des fractions d’effort des séances d’EPI.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

  1. Guy Thibault dit :

    Merci pour votre bon mot. À ce propos, voici ce que j'écrivais dans mon avant dernier livre, Entraînement cardio : Au cours d’une étude menée auprès de jumeaux identiques, l’équipe du professeur Claude Bouchard, célèbre généticien québécois de l’activité physique, a observé qu’en réponse à un programme type d’entraînement cardio, environ 5 % des sujets voient leur VO2max augmenter de moins de 5 %, alors qu’à peu près le même pourcentage profite d’une augmentation de plus de 60 % de son VO2max! Tout dépend du bagage génétique : certains ont simplement la possibilité de s’améliorer davantage que d’autres.
    Il semble qu’à la naissance trois éléments de la performance cardio soient déjà fixés :
    • l’aptitude aérobie « de base » : celle que l’on aurait si l’on ne s’entraînait pas;
    • le taux d’augmentation de l’aptitude aérobie dans le temps, en réponse à un entraînement donné;
    • l’aptitude aérobie « ultime » : celle que l’on pourrait atteindre si l’on suivait le meilleur programme d’entraînement imaginable.
    Le hic, c’est qu’il n’existe pas, pour l’instant, de moyen de « lire » les gènes et d’en déduire l’entraînabilité. À défaut, on peut tout de même apprécier l’entraînabilité générale d’une personne en comparant l’amélioration de ses performances avec celle de ses camarades d’entraînement qui ont un profil comparable et qui font sensiblement le même entraînement : si elle progresse davantage au fil des mois, son entraînabilité est probablement meilleure que la leur.
    Ainsi, les personnes qui ont du talent sont celles qui, nonobstant leur niveau de performance actuel, seront en mesure de l’augmenter davantage que les autres, en réponse à un entraînement donné. Les champions sont ceux qui sont nés avec un bagage génétique favorable… et qui l’ont exploité par un entraînement approprié. À ce sujet, le Suédois Per-Olof Åstrand, pionnier de la recherche en physiologie de l’exercice, écrivait : « Pour devenir champion olympique ou du monde, il faut bien choisir ses parents! »

  2. Guy Thibault dit :

    Bonjour, Voilà une question à 1000 piastres, comme on dit communément au Québec. Il n'y a pas présentement consensus sur la distribution idéale des diverses formules d'entraînement dans un plan annuel. Pour ma part, je crois qu'on a intérêt à mettre l'accent sur des séances d'EPI dans lesquelles l'intensité des fractions d'effort sont supérieures à celle correspondant à la consommation maximale d'oxygène.

  3. Kipnet dit :

    Intéressant, y a-t-il un lien où on peut voir les données en détail (cahier de recherche ou CRF comme en Recherche Clinique)? Merci,

    1. Guy Thibault dit :

      Bonjour, Merci pour votre bon mot. Pour des raisons éthiques, les données brutes ne sont pas publiées. Pour plus d'info sur cette recherche, voir le mémoire de maîtrise de Myriam Paquette: Effet comparé de l’entraînement par intervalles inframaximal et supramaximal sur les déterminants de la performance à vélo. Université Laval, 2014.

  4. Kipnet dit :

    Intéressant, y a-t-il un lien où on peut voir les données en détail (cahier de recherche ou CRF comme en Recherche Clinique)? Merci,

  5. James dit :

    Merci pour cet article intéressant.

    – Application pratique sur le terrain: comment pouvons-nous utiliser ces résultats dans le développement sur le long terme (entrainement sur des années)?

    Merci par avance,

    1. Guy Thibault dit :

      Bonjour, Voilà une question à 1000 piastres, comme on dit communément au Québec. Il n'y a pas présentement consensus sur la distribution idéale des diverses formules d'entraînement dans un plan annuel. Pour ma part, je crois qu'on a intérêt à mettre l'accent sur des séances d'EPI dans lesquelles l'intensité des fractions d'effort sont supérieures à celle correspondant à la consommation maximale d'oxygène.

  6. ED dit :

    Vraiment intéressant comme étude!!! Il est ainsi démontré que le vo2 max peut s'améliorer même chez des sujets adultes déjà en très bonne forme en faisant de l'ÉPI. Je me rappelle qu'a une époque il était affirmé que le vo2 max ne pouvait pas s'améliorer a l'âge adulte chez des athlète, seulement la VMA et la PMA. Je me répète: Vraiment intéressant comme étude!!!

    1. Guy Thibault dit :

      Merci pour votre bon mot. À ce propos, voici ce que j'écrivais dans mon avant dernier livre, Entraînement cardio : Au cours d’une étude menée auprès de jumeaux identiques, l’équipe du professeur Claude Bouchard, célèbre généticien québécois de l’activité physique, a observé qu’en réponse à un programme type d’entraînement cardio, environ 5 % des sujets voient leur VO2max augmenter de moins de 5 %, alors qu’à peu près le même pourcentage profite d’une augmentation de plus de 60 % de son VO2max! Tout dépend du bagage génétique : certains ont simplement la possibilité de s’améliorer davantage que d’autres.
      Il semble qu’à la naissance trois éléments de la performance cardio soient déjà fixés :
      • l’aptitude aérobie « de base » : celle que l’on aurait si l’on ne s’entraînait pas;
      • le taux d’augmentation de l’aptitude aérobie dans le temps, en réponse à un entraînement donné;
      • l’aptitude aérobie « ultime » : celle que l’on pourrait atteindre si l’on suivait le meilleur programme d’entraînement imaginable.
      Le hic, c’est qu’il n’existe pas, pour l’instant, de moyen de « lire » les gènes et d’en déduire l’entraînabilité. À défaut, on peut tout de même apprécier l’entraînabilité générale d’une personne en comparant l’amélioration de ses performances avec celle de ses camarades d’entraînement qui ont un profil comparable et qui font sensiblement le même entraînement : si elle progresse davantage au fil des mois, son entraînabilité est probablement meilleure que la leur.
      Ainsi, les personnes qui ont du talent sont celles qui, nonobstant leur niveau de performance actuel, seront en mesure de l’augmenter davantage que les autres, en réponse à un entraînement donné. Les champions sont ceux qui sont nés avec un bagage génétique favorable… et qui l’ont exploité par un entraînement approprié. À ce sujet, le Suédois Per-Olof Åstrand, pionnier de la recherche en physiologie de l’exercice, écrivait : « Pour devenir champion olympique ou du monde, il faut bien choisir ses parents! »

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