Entraînement en Zone 2 : nec plus ultra, ou une autre étourderie scientifique ? 2 de 2
2 juillet 2023
Guy Thibault
Dans Entraînement en Zone 2 : nec plus ultra, ou une autre étourderie scientifique ? 1 de 2, on a vu ce qu’est cette fameuse Zone 2 et ses mérites, tout en critiquant le fait qu’on en a fait un culte sur les terrains de sport.
Un modèle financier
Pour faire ressortir que toutes les intensités d’entraînement moyennes (Zone 2), élevées et très élevées (supérieures à ce que le Dr San Millan appelle la zone 5) sont intéressantes, faisons une analogie avec la finance.
Accumuler à chaque séance d’EPI quelques minutes d’exercice à intensité très élevée, c’est comme investir une petite somme d’argent dans un compte bancaire offrant un taux d’intérêt très élevé. En revanche, accumuler à chaque séance un plus grand nombre de minutes d’entraînement à intensité moins élevée, c’est comme investir une plus grande somme d’argent dans un compte bancaire à intérêt moins important.
Dans les deux cas, il y a retour sur l’investissement. Ainsi, que l’on fasse un très grand volume d’entraînement à intensité moyenne ou un plus petit volume à intensité élevée, ou un volume encore plus petit à intensité encore plus élevée, on stimule toujours le développement de nos qualités physiques. D’où l’idée suivante : tout comme les financiers diversifient leur portefeuille, les sportifs ont peut-être intérêt à s’entraîner dans une large gamme d’intensités. Je crois (mais je n’en ai pas la preuve ; alors n’érigez surtout pas cela en culte !) que l’erreur à ne pas commettre serait de ne miser que sur l’entraînement à intensité faible ou moyenne (ex. : zones 1 et 2 suivant la nomenclature de Dr San Millán). Cela nous priverait des effets bénéfiques d’entraînements intensifs qui prennent moins de temps.
« Brûler » un maximum de graisse ?
L’argument le plus souvent avancé pour valoriser la plage d’intensités correspondant à la Zone 2 est qu’elle maximise l’utilisation des graisses comme source d’énergie. D’où, théoriquement, une moins grande difficulté à perdre de la graisse. Mais comme on l’a vu dans Existe-t-il une intensité d’entraînement qui favorise la perte de poids ?, si l’on oxyde plus de lipides pendant la période d’exercice, on en utilise moins pendant les heures de récupération qui suivent. À la fin de la journée, si l’on fait le bilan de la quantité totale de lipides oxydés pendant l’exercice et pendant la période de récupération, on observe que cette quantité globale est totalement indépendante de l’intensité à laquelle l’exercice a été effectué.
En réalité, les personnes qui désirent perdre du poids auraient avantage à s’entraîner à l’intensité la plus élevée possible (si leur condition physique le permet), surtout si le temps dont elles disposent est limité.
Autre argument souvent évoqué pour valoriser l’entraînement en Zone 2 : ce serait la meilleure façon d’augmenter nombre de capillaires artériels autour des fibres musculaires.
Il y a d’autres arguments défavorables vis-à-vis de l’entraînement mettant trop l’accent sur la Zone 2 :
- il ne prépare pas bien les sportifs aux fréquentes situations de course où l’intensité est élevée (ex. montées abruptes, sprints), car l’intensité n’est pas assez importante pour améliorer la capacité anaérobie (voir La capacité anaérobie : qualité négligée ?) ;
- un pourcentage très élevé (souvent plus de 90 %) de l’énergie dépensée dans les compétitions en sports d’endurance découle de l’oxydation des glucides (sucre) et non pas des lipides, et (contrairement à ce qui est véhiculé sur les terrains de sport) l’entraînement à intensité élevée ou très élevée améliore aussi le métabolisme des lipides ;
- le nombre de capillaires artériels autour des fibres musculaires augmente avec l’entraînement d’intensité élevée tout comme avec l’entraînement en Zone 2.
Tout cela sans compter qu’étant donné que les séances d’entraînement en Zone 2 sont souvent plus longues, les adeptes doivent y consacrer plusieurs heures chaque semaine, ce qui peut être difficile à concilier avec d’autres obligations personnelles ou professionnelles.
D’éminents physiologistes de l’exercice se prononcent
Stephen Seiler
Professeur de sciences de l’exercice à l’Université de Agder en Norvège : bien que Dr Seiler ait souligné les avantages de l’entraînement en Zone 2, il a également mis en garde contre une surestimation excessive de cette approche, soulignant que d’autres zones d’intensité sont également importantes pour maximiser les performances.
Ross Tucker
Chercheur en sciences du sport et analyste du site Science of Sport : Dr Tucker a émis des critiques sur l’approche dogmatique de l’entraînement en Zone 2, soulignant que l’entraînement doit être adapté aux besoins individuels et aux exigences spécifiques de chaque discipline sportive.
Andy Jones
Professeur de physiologie de l’exercice à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni : Dr Jones a remis en question la notion selon laquelle l’entraînement en Zone 2 est le seul moyen d’améliorer les performances en endurance, soulignant l’importance d’une variété d’intensités d’entraînement pour une adaptation complète.
L’IA en « pense » quoi ?
« Il n’existe pas de consensus absolu ou de preuve irréfutable indiquant que l’entraînement en Zone 2 est supérieur à d’autres zones d’intensité pour améliorer la performance en sports d’endurance. » dixit chatGPT.
Bref, et pour conclure, s’entraîner à une intensité que le Dr Iñigo San Millán appelle la Zone 2 n’est pas d’emblée dépourvu d’intérêt. Mais cela n’a pas les vertus miraculeuses ou magiques qu’on lui prête.
On peut penser, sans en avoir la preuve absolue, que toutes les intensités d’entraînement élevées et très élevées, surtout dans des séances d’EPI, s’accompagnent de meilleurs résultats.
Chose certaine, sur les terrains de sport, on devrait éviter, comme on a trop souvent tendance à le faire, d’ériger en dogme des méthodes d’entraînement que certains présentent, sans un nombre suffisant de preuves, comme des formules miraculeuses.
Personnellement cette idée de l'entrainement en zone2 comme nouveauté est surprenante. Quand j'ai débuté l'athlétisme en 1970 sous la gouverne de mon entraineur Serge Jeudy, on en faisait et on appelait cela développer son endurance ( fcr à 60-70%).De meme a cette époque on ne favorisait pas l'endurance au détriment de l'épi ni l'inverse. On savait déjà que les deux sont nécessaire au développement de son potentiel. Je trouve bizarre que l'on soit encore aux prise avec ce débat Épi/endurance alors que les 2 sont nécessaires et aussi important l'un que l'autre. Le dosage doit s'ajuster en fonction des besoins personnels, du moment dans la saison et de l'épreuve de prédilection. Je considère que les travaux de recherches scientifiques entourant l'entrainement polarisé/ou pyramidal sont édifiants et riches d'enseignements. C'est dommage que le débat se situe encore au centre d'un clivage intensité vs endurance plutôt que sur les modalités à utiliser pour développer son potentiel aérobique. Il faut considérer que nombre d'ultra trailers développe leur VMA sur le plat et en montée pour bien préparer leur UTMB
Personnellement cette idée de l'entrainement en zone2 comme nouveauté est surprenante. Quand j'ai débuté l'athlétisme en 1970 sous la gouverne de mon entraineur Serge Jeudy, on en faisait et on appelait cela développer son endurance ( fcr à 60-70%).De meme a cette époque on ne favorisait pas l'endurance au détriment de l'épi ni l'inverse. On savait déjà que les deux sont nécessaire au développement de son potentiel. Je trouve bizarre que l'on soit encore aux prise avec ce débat Épi/endurance alors que les 2 sont nécessaires et aussi important l'un que l'autre. Le dosage doit s'ajuster en fonction des besoins personnels, du moment dans la saison et de l'épreuve de prédilection. Je considère que les travaux de recherches scientifiques entourant l'entrainement polarisé/ou pyramidal sont édifiants et riches d'enseignements. C'est dommage que le débat se situe encore au centre d'un clivage intensité vs endurance plutôt que sur les modalités à utiliser pour développer son potentiel aérobique. Il faut considérer que nombre d'ultra trailers développe leur VMA sur le plat et en montée pour bien préparer leur UTMB
Bonjour Mr.Thibault! Ont pourrait dire que la zone 2 est un peu comme le LSD décrit dans votre livre.
Oui, en quelque sorte. Mais certains dirons que l'intensité cible en LSD s'étend de la Zone 1 à la Zone 2 (suivant la nomenclature du professeur San Millan.