S’époumoner l’hiver sans stresser les bronches ?
12 février 2023
Guy Thibault
Le fabricant suédois avance que son masque sportif AirTrim « aide les skieurs par temps froid, en récupérant à la fois l’humidité et la chaleur.
Ceci permettrait une respiration plus facile, une plus grande chaleur corporelle globale et une réduction des risques d’asthme induit par l’exercice ». On peut donc être tenté d’en faire usage quand on s’entraîne intensivement au froid, peu importe le sport qu’on pratique à l’extérieur en hiver, surtout si on craint l’irritation des bronches.
D’abord une précision : le masque AirTrim n’est pas anti-virus, et ne simule pas l’altitude. Le fabricant n’a pas ces prétentions. Mais comme cet appareil collé sur la bouche freine un peu l’entrée d’air, on peut penser qu’il gêne la respiration et, donc, nécessite un effort accru pour exécuter tout exercice.
Dans l’étude A heat and moisture‑exchanging mask impairs self‑paced maximal running performance in a sub‑zero environment (2021), des chercheurs suédois (sans lien commercial avec le fabricant) ont voulu vérifier comment l’utilisation d’un AirTrim à l’effort affectait la respiration.
Les résultats de l’étude montrent que l’utilisation de ce type de masque peut altérer les performances maximales de course à pied dans des conditions de froid extrême.
Sans être des athlètes de haut niveau, les 23 sujets (âgés de 18 à 53 ans) profitaient d’une bonne aptitude aérobie (VO2max moyen de 56 mL/kg/min pour les 15 hommes et de 50 pour les 8 femmes). Ils ont effectué deux tests sur tapis roulant avec et sans masque AirTrim : échauffement de 30 minutes, suivi d’un test maximal de 4 minutes.
Pendant l’échauffement (intensité modérée) avec le masque, la fréquence cardiaque et la température corporelle étaient un peu plus élevées. Pendant le test maximal, le port du masque AirTrim n’a pas affecté l’effort perçu, la fréquence cardiaque et la concentration de lactate, mais la distance courue en quatre minutes était réduite de 1,4 %. Cet effet négatif était plus prononcé chez les participants de poids plus élevé. Le port du masque était également associé à une réduction de 3,1 % de l’oxygénation musculaire.
Les auteurs concluent que l’utilisation du masque AirTrim pendant l’exercice intense au froid affecte les performances et augmente les exigences physiologiques de l’exercice sous-maximal. Les sportifs craignant d’affecter leurs bronches pendant l’exercice par temps froid peuvent sans doute profiter des effets de ce masque sur l’humidification et le réchauffement de l’air inspiré, mais doivent s’attendre à un stress physiologique un peu plus élevé à intensité modérée, et une performance réduite à intensité élevée.
Mon ami alpiniste Gabriel Filippi m’apprend qu’un des athlètes de son équipe The North Face, l’Allemand David Goettler, utilise un AirTrim dans ses expéditions. Il aurait notamment gravi l’Everest avec ce masque le printemps dernier, sans support d’oxygène. L’humidification de l’air serait particulièrement avantageuse pour faire face au phénomène qu’on appelle Khumbu cough, une toux qui survient chez les alpinistes en raison de températures froides et d’une faible humidité. Le nom vient du glacier Khumbu, situé entre le camp de base (5350 m) et le camp 1 (6100 m).
© David Goettler
Étant donné que le AirTrim diminue les performances, mais humidifie et réchauffe l’air respiré, il est manifestement utile pour les séances d’entraînement au froid, mais pas pour les compétitions.
Reste à savoir si le port d’une simple écharpe aurait les mêmes effets, et si l’appareil Airtrim gêne suffisamment la respiration pour s’accompagner d’un renforcement des muscles inspiratoires (intercostauds et diaphragme).
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