Deux semaines de ski de montagne en Islande
12 novembre 2020
Xavier Bonacorsi
Après deux récentes escapades en Islande, une en été (L’Islande : l’aventure d’une traversée à pied) et l’autre en automne (Islande, un voyage photo organisé : une première expérience), j’étais convaincu qu’en hiver, certaines régions de ce pays se transformaient en parfait terrain de jeu pour le ski de montagne.
Ainsi, après quelques discussions avec Stephan, mon partenaire régulier de ski montagne, qui habite le Yukon (voir Ces québécois qui s’amourachent du Yukon dans le magazine Espaces), nous avons convenu de nous rencontrer à Reykjavík, de louer une voiture et de partir vers le nord de l’île (là où l’on retrouve le plus de neige et le plus grand nombre de sommets de 1000 mètres et plus*) à la recherche de montagnes skiables dont l’accès à partir de la route est rapide et simple.
* Si des sommets de 1000 mètres peuvent sembler peu élevés (quand on pense aux Rocheuses ou aux Alpes), il faut ne pas oublier qu’en Islande on peut skier jusqu’à seulement quelques mètres au dessus du niveau de la mer.
En atterrissant à Keflavik, nous étions au désespoir : il n’y avait pas un seul flocon de neige au sol.
La semaine précédente, le pays entier avait connu 5 jours de pluie diluvienne et des températures dépassant les 10˚C. C’est donc passablement débinés que nous avons pris la route vers les Fjords de l’ouest (Westfjords ou Vestfirðir) et la Péninsule des Trolls (Tröllaskagi).
En nous rapprochant de notre première destination (Ísafjörður) le sourire revenait progressivement sur nos visages. À notre arrivée, bien que la région des Westfjords ait perdu plus d’un mètre et demi de neige durant le déluge récent, le manteau neigeux était toujours très épais et recouvert d’une vingtaine de centimètres d’une poudreuse toute fraîche.
Notre plan était de « ne pas avoir de plan ». Sur place, nous analysions les cartes topographiques et corroborions nos choix avec le visuel 3D de Google Earth sur le portable, afin de choisir les montagnes qui nous apparaissaient les plus plaisantes à skier, mais qui présentaient aussi un accès rapide à partir de la route.
Nos seuls soucis étaient de trouver des endroits où stationner ainsi que des itinéraires qui ne dérangeraient personne.
Après avoir discuté avec quelques « locaux », la conclusion était qu’on pouvait, pour ainsi dire, aller où bon nous semblait, à condition d’éviter les endroits habités et de ne pas franchir de clôtures qui semblaient ne pas qu’être destinées au bétail, mais également aux humains.
Bref, d’être respectueux et d’user de gros bon sens !
Durant cinq jours dans les Westfjords nous avions skié dans trois secteurs différents, et n’avons rencontré aucun skieur ; nous avions pour nous seuls des étendues de montagnes à perte de vue. Nous aurions bien voulu y passer encore quelques jours… Mais une tempête de 36 heures (avec des vents décoiffants de 80 km/h et du grésil) suivie d’une vague de chaleur qui faisait fondre la neige presque à vue d’œil nous ont convaincu de plier bagage et de nous diriger vers la péninsule des Trolls, où les prévisions météo étaient plus favorables. Dalvík fut la ville choisie comme base autour de laquelle se fera la chasse aux pentes. La première journée nous sommes allés explorer les montagnes qui jouxtent le centre de ski alpin aux proches abords de la ville. Les cinq journées suivantes nous ont offert des moments inoubliables de ski : des accès simples et faciles de la route, un soleil et un ciel bleu ainsi qu’une température oscillant entre -1°C et -8°C.
Si Johann Strauss avait connu une journée de ski comme celle-ci, il aurait nommé sa valse : Blue Iceland, et non Blue Danube !
Où dormir ?
Partout en Islande on retrouve des hôtels et des auberges, et les options AirBnb sont omniprésentes. Nous avons toutefois opté pour le camping, histoire de se la « couler dure », d’économiser une somme non négligeable, et d’être déjà au pied des montagnes le matin venu.
Un peu comme ailleurs, le camping d’hiver est une grande curiosité en Islande. Un jour nous avons laissé notre tente montée aux abords de la piscine* du petit village de Bolungarvík pour y dormir à nouveau une deuxième nuit. Le lendemain matin, nous avons été réveillés par une journaliste du journal local de la ville voisine d’Ísafjörður qui voulait interviewer ces deux skieurs canadiens venus dormir dehors en plein hiver !
Dormir sous la tente implique d’être prêt à affronter le vent légendaire du pays. Notre tente (Moki, de Nemo Equipment) a très bien résisté aux assauts du rokrassgrat.
* En Islande, les « 5 à 7 » se passent en maillot de bain : on retrouve partout des bains et des piscines d’eau géothermale. Les Islandais ont coutume de s’y rendre soit le matin avant le boulot ou après, avant de rentrer à la maison. Les « sundlaugs » (bains et piscines) sont omniprésents et rien n’est plus jouissif que de s’y plonger après une bonne journée de montées et descentes !
Mise en garde météo
Si tout ce qui précède dresse un portait idyllique de l’endroit comme destination de ski de montagne en mode autonome, il y a toutefois une ombre au tableau, et elle n’est pas négligeable : le climat islandais. Celui-ci est des plus changeants, si bien qu’on a coutume de dire à ceux qui n’aiment pas le temps qu’il fait, d’attendre 5 minutes…
En Islande, les nuages, la pluie et le vent peuvent surgir à tout moment et forcer l’annulation d’une ou de plusieurs journées de ski.
Avec un tel climat difficile, une météo si instable et des conditions de neige incertaines, on comprend que pour plusieurs skieurs, investir dans un voyage de ski en Islande est un non-sens…
Mais on ne va pas skier en Islande pour le « beau ski ». On y va justement pour cette nature imprévisible et sauvage ; on y va pour le sentiment de solitude ainsi que les leçons d’humilité et de résilience qu’elle apporte. On y va pour « l’ambiance islandaise » : ce peuple de vikings est constitué de durs à cuire au cœur tendre. Résister durant des siècles à ce climat tempétueux et à cet isolement insulaire laisse des traces et, au fil des générations, finit par façonner des caractères quelques fois très particuliers ; on a qu’à penser à la littérature et au cinéma islandais qui sont souvent sombres, voire même quelques fois assez… tordus ! Et bien entendu, on y va pour ses paysages saisissants. La grandeur et l’unicité des espaces sont à couper le souffle…
Bref, malgré les difficultés du climat, nul doute qu’on me verra à nouveau monter et descendre ces montagnes enneigées entourées de mer… Et quand le blizzard soufflera trop pour aller skier (car il soufflera c’est certain), j’irai « faire des longueurs » dans cette merveilleuse eau chauffée par les entrailles de la terre, en regardant le vent faire tourbilloner la neige au-dessus de ma tête !
Windland
En hiver, quand on regarde les bulletins météo en Islande, il ne faut pas seulement m’attarder sur la température ou si le ciel sera couvert ou dégagé. Le plus important, c’est la vitesse du vent et sa direction. Celui-ci peut se lever à tout moment et transformer un agréable après-midi de ski légèrement vêtu, en une expédition où l’objectif premier est de survivre !
En islandais, il y aurait d’ailleurs plus d’une centaine de mots pour désigner les différentes variantes de vent, mais le plus révélateur est « rokrassgrat », qui se traduit par « trou-du-cul de vent ».
J’ai même souvent suggéré aux islandais rencontrés qu’ils pétitionnent leur gouvernement afin de changer le nom de leur pays pour Windland.
Quand nous avons quittés la route, 90 minutes plus tôt, le ciel était bleu sans aucun nuage, et il n’y avait aucun soupçon de vent…
Pratico-pratique
Le Icelandic Met Office offre d’excellentes prévisions et informations en temps réel sur la température, le vent, les avalanches et même sur les tremblements de terre !
En Islande presque tout coûte environ le double (voir davantage) de ce que l’on débourse au Canada… Au bar par exemple, une bière revient à environ 1500 ISK (17 $). Tandis qu’au resto, un repas (du midi) constitué d’un burger, frites et Coke peut avoisiner les 3500 ISK (40 $) ! La nourriture en épicerie n’y échappe malheureusement pas non plus. Mieux vaut donc apporter le maximum de nourriture (repas déshydratés, lait en poudre, gruau/céréales, barres énergiques, GORP…).
Pour se rendre aux Westfjords ou à la péninsule des Trolls à partir de Reykjavík, il faut compter de 5 à 6 heures de route (voire davantage) pour franchir les 450 kilomètres. La route est excellente, mais Ô combien sinueuse et parfois balayée de vents très violents, et la limite de vitesse est de 90 km/h.
Merci comme toujours à Arc’teryx, Nemo Equipment, Helly Hansen, Scarpa, MSR, Outdoor Research, GenuineGuideGear (G3) et Salewa qui me fournissent généreusement de précieuses pièces d’équipement lors de mes escapades.
Une version de cet article fut initialement publiée dans le magazine ESPACES.
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