NATURE HUMAINE

Là où la science, l'expérience et la passion
pour l'activité physique, la performance et le plein-air se rencontrent

Entraînement - Équipement - Plein-air

En guerre contre l’obésité

L’obésité est aujourd’hui à ce point répandue que pour l’Organisation mondiale de la santé, nous faisons dorénavant face à une épidémie mondiale.

C’est un gros problème à ne pas prendre à la légère car un excès de poids est associé à des problèmes physiques, psychologiques et sociaux tout aussi lourds que divers. Au-delà des coûts directs et indirects énormes associés à l’obésité (soins de santé, productivité, etc.), les personnes aux prises avec un excès de poids voient leur qualité de vie s’amenuiser au fur et à mesure que les kilos s’accumulent. Tôt ou tard, cela finit par peser aussi sur leur réseau de soutien. (Excusez les jeux de mots faciles, svp.)

Pourquoi la population grossit

Nombreux sont ceux qui croient encore que l’obésité n’est causée que par un manque de volonté. En réalité, elle résulte de divers facteurs liés à des mécanismes complexes. Au rang des accusés figurent bien sûr le manque d’activité physique et une alimentation trop calorique, mais aussi les éléments qui, justement, déterminent le niveau d’activité physique et les comportements alimentaires, notamment le type de travail, l’environnement bâti, la dynamique familiale, le statut socioéconomique, l’anxiété et l’estime de soi.

Il n’en demeure pas moins que le gain de poids résulte toujours d’un apport alimentaire trop important par rapport au niveau d’activité physique ou, en d’autres mots, d’un bilan énergétique positif.

Déficit convoité

Théoriquement, même un minuscule bilan énergétique positif peut mener à un important surpoids après quelques années. Par exemple, consommer ne serait-ce que 10 kcal par jour (une bouchée de pomme) de plus qu’on ce que l’on dépense équivaut théoriquement à une dizaine de livres après une décennie. Et théoriquement, on pourrait calculer facilement la perte de poids devant découler d’un déficit énergétique donné. Par exemple, sachant que l’équivalent énergétique d’une livre de graisse est environ 3500 calories, on pourrait penser qu’il est possible de perdre à peu près une livre par semaine tout simplement en augmentant la dépense calorique de 500 kcal par jour ou en réduisant l’apport calorique alimentaire de 500 kcal par jour.

Thermogenèse adaptative

Mais attention ! Une personne qui s’efforce d’augmenter sa dépense calorique de 500 kcal par jour ou à réduire son apport calorique alimentaire de 500 kcal par jour ne maintiendra pas l’amaigrissement à une livre par semaine. On aura certes tendance à en attribuer la faute au fait qu’elle aura fait preuve de relâchement dans son programme amaigrissant, ou au manque de précision des mesures (il est vrai que les personnes obèses ont souvent tendance à sous-estimer la valeur calorique des aliments qu’ils consomment).

En réalisé, l’écart entre le poids perdu et le poids qui aurait théoriquement dû être perdu tient à un autre phénomène : la réduction du métabolisme de repos provoqué par le déficit énergétique. Ce phénomène est dû à la thermogenèse adaptative. Le terme n’est pas simple, mais le concept est simple : en réponse à un déficit énergétique, le corps a tendance à devenir avare d’énergie, comme s’il résistait à la perte de poids. Créer un déficit énergétique devient alors de plus en plus difficile, car le corps réduit sa thermogenèse, autrement dit, sa dépense d’énergie. C’est vrai pour les personnes qui réduisent leur apport énergétique alimentaire, et c’est vrai pour celles qui augmentent leur niveau d’activité physique.

Prenons le cas de mon ami Benoît Roy qui, avant de prendre sa retraite de professeur de biomécanique à l’Université Laval, a participé à une éprouvante expédition : la traversée du Groenland en ski de fond. Avant de partir, redoutant un amaigrissement prononcé, il a volontairement adopté une alimentation hypercalorique pour prendre du poids. Et il a perdu 8 kg pendant l’éreintante expédition qui aura duré trois semaines. Bien qu’il ait repris son poids et sa composition corporelle initiale 12 jours après son retour, comparativement à sa valeur préexpédition, son métabolisme de repos était moins élevé de 341 kcal. C’est beaucoup !

Cette observation et bien d’autres indiquent qu’en période où il y a perte de poids (qu’elle soit due à une augmentation de la dépense énergétique, à une diminution de l’apport énergétique alimentaire ou à une combinaison de ces deux stratégies), la dépense énergétique quotidienne diminue au-delà de ce que l’on pourrait prédire en se basant uniquement sur les changements de la masse maigre et de la masse grasse.

Plus la perte de poids est importante, plus les mécanismes servant à protéger la masse grasse engendrent une diminution du métabolisme de repos. Ils engendrent également une augmentation du désir de manger. Ces réponses régulatrices préviennent une perte adipeuse additionnelle et rendent le maintien du statut pondéral réduit difficile, vulnérabilisant ainsi l’individu au regain de poids.

Voilà qui explique pourquoi à peu près 95 % des personnes soumises à un programme amaigrissant reprennent les kilos perdus.

Mieux vaut…

Il faut donc prévenir les personnes qui s’engagent dans un programme de perte de poids qu’une série de mécanismes se mettront progressivement en branle qui rendront de plus en plus difficile l’amaigrissement et au moins aussi difficile le maintien du poids après amaigrissement. La vulnérabilité observée après amaigrissement souligne une fois de plus toute l’importance qu’il faut accorder à la prévention de l’obésité.

Il faut par ailleurs rappeler que l’activité physique et la condition physique ont des effets indépendants et bénéfiques sur plusieurs des problèmes liés à l’obésité, particulièrement les maladies cardiovasculaires dont l’hypertension, le diabète de type 2 et la mort prématurée.

Il est donc important d’informer les personnes qui désirent perdre du poids que d’importants gains pourront être obtenus sur le plan de la santé s’ils font régulièrement certaines formes d’exercices physiques, même si elles ne parviennent pas nécessairement à perdre du poids.

L’intensité sur la sellette

Des recherches indiquent que l’exercice d’intensité plus élevée (ex. : l’entraînement par intervalles) s’accompagne généralement d’une perte pondérale plus importante. En comparaison avec l’exercice physique d’intensité faible ou moyenne, l’exercice physique pratiqué de façon vigoureuse aurait des effets bénéfiques additionnels, même si ce sont surtout des glucides qui sont métabolisés. Grâce à l’exercice physique d’intensité élevée, le maintien du poids perdu pourra être grandement facilité en raison de l’amélioration significative de la fonctionnalité de l’organisme.

Par ailleurs, l’étude du National Weight Control Registry (registre d’États-Uniens qui ont réussi à ne pas prendre de poids après en avoir perdu) permet de constater que la caractéristique commune des personnes qui sont parvenues à maintenir une perte pondérale d’au moins 30 livres (13,6 kg) pendant au moins une année est l’importante dépense calorique liée à leurs activités physiques. Elle s’élèverait à près de 3000 kcal/semaine, soit l’équivalent d’environ une heure d’exercice physique aérobie par jour.

Voilà qui confirme l’intérêt de promouvoir la pratique régulière d’activités physiques, particulièrement à intensité élevée. Cette pratique doit tenir compte des particularités de chacun afin d’éviter de mauvaises surprises ; cela va sans dire.


Lectures suggérées

Psychobiological impact of a progressive weight loss program in obese men (2005)
Long-term follow-up of behavioral treatment for obesity : Patterns of weight regain among men and women (1989)
Experimental demonstration of human weight homeostasis : Implications for understanding obesity (2004)
A case study on energy balance during an expedition through Greenland (1996)
Obesity : A disease or a biological adaptation ? (2000)
Comité scientifique de Kino‑Québec (2006) L’activité physique et le poids corporel. Secrétariat au loisir et au sport. Avis rédigé sous la coordination de A Tremblay.

 


Vous avez aimé… Partagez !

Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.