Pandémie d’obésité : miser sur la prévention plutôt que sur l’amaigrissement
6 décembre 2024
Guy Thibault
L’obésité est aujourd’hui si répandue que l’Organisation mondiale de la santé la considère comme une épidémie. Face à ce problème de santé publique majeur, notre premier réflexe est souvent de chercher des solutions pour aider les personnes obèses à maigrir. Mais cette approche, bien qu’intuitivement logique, n’est pas la plus efficace. Des données scientifiques récentes suggèrent qu’il serait plus judicieux, pour la santé publique, de mettre l’accent sur la prévention du gain de poids excessif plutôt que sur l’amaigrissement des personnes déjà aux prises avec un excès pondéral.Pourquoi ? D’abord parce que perdre du poids de façon durable s’avère extrêmement difficile, et ce, pour des raisons qui dépassent la simple question de volonté.
Notre corps possède des mécanismes physiologiques complexes qui s’opposent à la perte de poids, un peu comme un thermostat qui maintient une température stable.
Ce « pondérostat » explique pourquoi environ 95 % des personnes qui suivent un programme d’amaigrissement reprennent tôt ou tard les kilos perdus.
En fait, lorsque nous créons un déficit énergétique – que ce soit en mangeant moins ou en bougeant plus – deux phénomènes se produisent qui rendent la perte de poids particulièrement ardue. D’abord, l’appétit augmente involontairement et inconsciemment. Ensuite, le métabolisme de repos (l’énergie dépensée par notre corps au repos pour maintenir ses fonctions vitales) diminue. Ces adaptations biologiques peuvent persister longtemps après la fin d’un régime, rendant le maintien du nouveau poids très difficile.
Prenons l’exemple d’une étude menée auprès de 60 femmes obèses participant à un programme d’amaigrissement de 11 mois. Les résultats sont éloquents : aucune n’a atteint son « poids rêvé », et les deux tiers n’ont même pas atteint ce qu’elles considéraient comme un « poids acceptable ». Cette réalité frustrante s’explique en grande partie par des mécanismes biologiques qui échappent à notre contrôle.
Par ailleurs, et c’est moins connu, l’amaigrissement lui-même s’accompagne d’effets indésirables.
La restriction calorique peut entraîner des carences nutritionnelles. L’effet « yo-yo » (cycles répétés de perte et reprise de poids) augmente le risque de maladies cardiovasculaires. La perte de poids réduit la masse musculaire, ce qui diminue encore davantage le métabolisme de repos. Sans compter l’impact psychologique : la pression sociale pour atteindre un certain poids peut provoquer anxiété, dépression et troubles alimentaires.Mais il y a une bonne nouvelle : la pratique régulière d’activités physiques apporte d’importants bienfaits pour la santé, qu’il y ait perte de poids ou non. Des recherches épidémiologiques montrent que les personnes obèses mais physiquement actives et ayant une bonne condition cardiorespiratoire vivent plus longtemps que celles qui sont sédentaires. En fait, il y a de bonnes raisons de penser que la mortalité chez les personnes obèses est davantage la conséquence d’une mauvaise aptitude cardiorespiratoire que de l’excès de graisse en tant que tel.
Ces constats appellent un changement radical dans notre approche de l’obésité. Au lieu de culpabiliser les personnes obèses et de les pousser vers des régimes draconiens voués à l’échec, nous devrions :
- Mettre l’accent sur la prévention du gain de poids excessif, notamment en créant des environnements favorables à l’activité physique dès le plus jeune âge.
- Encourager la pratique régulière d’activités physiques pour tous, indépendamment du poids. L’amélioration de la condition physique est plus importante pour la santé que la perte de poids.
- Sensibiliser la population aux mécanismes biologiques qui rendent la perte de poids durable si difficile, afin de réduire la stigmatisation des personnes obèses.
- Soutenir les personnes qui souhaitent perdre du poids en les aidant à se fixer des objectifs réalistes et en mettant l’accent sur les bienfaits de l’activité physique plutôt que sur le nombre de kilos perdus.
Cette approche préventive nécessite des actions concertées à plusieurs niveaux : aménagement urbain favorable aux déplacements actifs, programmes scolaires mettant l’accent sur l’activité physique, politiques de santé publique encourageant un mode de vie actif, etc.
Les données scientifiques sont claires : pour réduire l’impact de l’obésité sur la santé publique, mieux vaut prévenir que guérir.
Pour en apprendre davantage sur le sujet : https://nature-humaine.ca/tag/obesite/
Bientôt à surveiller, la parution du nouveau livre : Alerte sédentarité, obésité – Regards croisés sur les déterminants de la santé et la prévention,Cousineau D. F. et G. Thibault (2025).
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