Le retour en grandes pompes des pompes maximalistes !
27 décembre 2024
Xavier Bonacorsi
Selon un rapport du Sport & Fitness Industry Association aux États-Unis, en 2020, environ 60 millions d’américains pratiquaient (à des niveaux différents il va sans dire) la course à pied. À pareille date, à l’échelle mondiale on parlait de plus de 620 millions d’adeptes. En additionnant les nouveaux disciples issus du substantiel boom qu’a connu le sport durant la période COVID, ça en fait du monde qui court !
Au début des années 2010, on a vu une évolution dans les choix de chaussures de course. Bien que la vaste majorité des coureurs (plus de 90 %) restent fidèles aux modèles dits traditionnels, une tendance émergente s’est dessinée en faveur des chaussures minimalistes.
Ces dernières se distinguent par leur grande légèreté, leur absence quasi-totale d’amorti et de dénivelé (drop), ainsi que par l’absence de technologies de contrôle de la pronation. Opter pour ce type de chaussures nécessite une adaptation technique : le coureur doit adopter une foulée dite « médio-pied », où le contact initial avec le sol se fait par le milieu ou l’avant du pied, contrairement à l’attaque talon caractéristique de la course en chaussures traditionnelles. Cette approche minimaliste représente un changement significatif dans la biomécanique de course pour ceux qui l’adoptent.
Les adeptes de la foulée minimaliste avancent deux arguments principaux pour soutenir leur choix. Premièrement, ils affirment que la légèreté des chaussures minimalistes peut s’accompagner d’une amélioration notable des performances. Deuxièmement, ils remettent en question la validité scientifique des technologies intégrées dans les chaussures traditionnelles.
Ces technologies, telles que le fort dénivelé, les semelles épaisses et très coussinées, ou les systèmes anti-pronation, auraient été développées sans véritable fondement scientifique solide. Et, jusqu’à récemment, ils avaient raison.
Les arguments scientifiques
Il appert aujourd’hui que les chaussures maximalistes (comme on les appelle maintenant), avec leurs nouvelles composantes modernes ultra-légères, peuvent aussi être très rapides. Et, depuis une dizaine d’années, de plus en plus de groupes de recherche s’intéressent aux technologies de prévention des blessures.
Entre autres résultats observés : le risque de blessure serait jusqu’à 52 % plus élevé avec des chaussures avec peu (ou pas) d’amorti.
Les forces imposées aux membres inférieurs (qu’on associe au risque de blessure) seraient finalement plus faibles lorsqu’on porte des chaussures à grosses semelles bien absorbantes, et ce, malgré une foulée avec une attaque du talon. Et fait surprenant : plus on est léger, plus on est protégé des blessures avec une chaussure bien coussinée !
Le retour du maximalisme
À la lumière de ces informations, les fabricants de chaussures n’ont bien évidemment pas hésité à se lancer à nouveau dans le développement de chaussures aux semelles « boostées aux hormones ». Ces nouvelles versions allient hyper-légèreté et amorti important, et n’ont rien à envier, en termes de performance, aux pompes minimalistes. À preuve, les rayons des détaillants en regorgent.
Au cours des derniers mois, j’ai d’ailleurs testé plusieurs modèles maximalistes. Moi qui cours depuis des décennies avec des chaussures bien coussinées, et avec une attaque modérée du talon, ce fut un plaisir pour moi de les mettre à l’épreuve. On qualifie même les plus impressionnantes de « Super Shoes ». Certaines sont incroyablement légères, profitent de nouvelles mousses hyper absorbantes et rebondissantes, ainsi que de plaques de carbone, qui agissent comme des ressorts, emmagasinant l’énergie à chaque foulée et la restituant pour propulser le coureur vers l’avant. Ce mécanisme permet d’améliorer l’économie de course, pour ainsi réduire l’effort et augmenter la vitesse.
En 2019, Eliud Kipchoge devenait la première personne à courir la distance du marathon en moins de deux heures (1:59:40). L’exploit (Breaking2) fut accompli avec un prototype des Alphafly de Nike aux pieds. Avec toutes les technologies incorporées à ces chaussures, on peut affirmer qu’elles n’ont rien de minimaliste !
Mais attention, il ne faut pas pour autant discréditer les chaussures minimalistes, ni la foulée qui vient avec.
Un débat qui évolue
Bien que le débat qui fait rage entre maximalistes et minimalistes se soit un peu apaisé, des adeptes et des experts convaincus subsistent dans les deux camps. Un consensus semble toutefois s’installer : les deux types de chaussure et de foulée ont leurs avantages et inconvénients, et chaque coureur est différent.
Que l’on opte pour une approche minimaliste ou maximaliste, l’essentiel demeure de trouver semelle à son pied, de courir confortablement tout en minimisant les risques de blessures.
OBSERVATIONS SUR LES RISQUES DE BLESSURE
Lorsqu’on examine le risque de blessures associé aux différents types de chaussures de course, les chaussures minimalistes avec peu d’absorption des chocs et les chaussures à semelles épaisses et absorbantes ont chacune des impacts distincts sur la biomécanique de la course et le risque de blessures.
CHAUSSURES MINIMALISTES
Risque accru de blessures pour certains coureurs
Les chaussures minimalistes, conçues pour imiter la course pieds nus, présentent un risque légèrement plus élevé de blessures, particulièrement dans deux catégories de coureurs :
- Les nouveaux utilisateurs : La transition vers des chaussures minimalistes modifie significativement la biomécanique de course. Sans une adaptation progressive, cela peut entraîner des tensions inhabituelles sur les muscles, tendons et articulations.
- Les coureurs plus lourds : Le manque d’amorti dans ces chaussures peut augmenter l’impact sur les articulations, surtout chez les coureurs ayant un poids plus élevé.
Les chaussures minimalistes, en augmentant les forces d’impact sur l’avant et le milieu du pied, peuvent amener davantage de blessures au niveau du pied, de la cheville et du mollet, comme les fasciites plantaires et les tendinites du tendon d’Achille.
Biomécanique
Ces chaussures favorisent une attaque du pied plus antérieure, une cadence plus élevée et des taux de charge verticale plus faibles, ce qui peut améliorer l’efficacité de la course mais augmente la contrainte sur les articulations de la cheville. Elles augmentent également la charge sur les articulations métatarso-phalangiennes par rapport aux chaussures conventionnelles.
CHAUSSURES MAXIMALISTES
Risque de blessures : protection accrue, surtout pour les coureurs légers
À l’opposé du spectre, les chaussures maximalistes, offrent plusieurs avantages :
- Protection générale : Grâce à leur amorti important, ces chaussures réduisent les chocs et vibrations lors de l’impact au sol, diminuant potentiellement le risque de blessures liées à la répétition des impacts.
- Bénéfice accru pour les coureurs légers : Les coureurs de faible poids profitent particulièrement de cet amorti, car leur masse corporelle réduite permet une utilisation optimale des propriétés absorbantes de la chaussure sans en compromettre la stabilité.
Les blessures typiques des utilisateurs de chaussures conventionnelles ou maximalistes sont principalement reliées aux genoux, à la hanche et au dos.
Biomécanique
Ces chaussures sont associées à des temps de contact au sol plus longs par rapport aux chaussures minimalistes, ce qui pourrait réduire l’efficacité de la course mais aussi diminuer le risque de blessures en réduisant le stress sur les articulations.
Le choix entre les chaussures minimalistes et maximalistes doit tenir compte des caractéristiques individuelles telles que la masse corporelle, l’expérience de course, le style de foulée, les antécédents de blessures, et bien sûr des préférences de chacun !
Sources
- Lower impact forces but greater burden for the musculoskeletal system in running shoes with greater cushioning stiffness (2022)
- Shoe Cushioning Influences the Running Injury Risk According to Body Mass : A Randomized Controlled Trial Involving 848 Recreational Runners (2019)
- Injury risk in runners using standard or motion control shoes : a randomised controlled trial with participant and assessor blinding (2016)
- Untangling Running’s Shoe Cushioning Paradox, Outside (2022)
- Systematic Review of the Role of Footwear Constructions in Running Biomechanics : Implications for Running-Related Injury and Performance (2020)
- Effect of outsole thickness on running biomechanics (2022)
- Effects of footwear midsole thickness on running biomechanics (2018)
- Examining injury risk and pain perception in runners using minimalist footwear (2013)
- Body Mass and Weekly Training Distance Influence the Pain and Injuries Experienced by Runners Using Minimalist Shoes : A Randomized Controlled Trial (2017)
- Biomechanics and Injury Prevention for Barefoot/Minimalist Running (2023)
Une version plus abrégée de ce texte fut originalement publiée dans Espaces Magazine
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