Les hommes sont-ils vraiment plus forts que les femmes ? C’est une question délicate sur laquelle se sont penchés des experts pour publier un consensus scientifique : The Biological Basis of Sex Differences in Athletic Performance : Consensus Statement for the American College of Sports Medicine. Examinons ce qui en ressort.
Globalement, les hommes surpassent généralement les femmes dans les sports exigeant force, puissance ou endurance. Les différences de performances entre les sexes varient de 10 à 30 % selon les disciplines, les plus grands écarts se situant dans les épreuves de force pure comme l’haltérophilie.
Mais d’où viennent ces différences ? Sont-elles purement biologiques ou en partie culturelles ? Et surtout, sont-elles immuables ?
Je résume ici l’énoncé de consensus de l’American College of Sports Medicine (ACSM), une organisation savante internationale regroupant des dizaines de milliers de scientifiques et de médecins du sport. Et je conclurai en me permettant un commentaire personnel.
Une hormone
Le principal responsable de l’avantage masculin est une molécule bien connue : la testostérone. À la puberté, le taux de cette hormone explose chez les garçons, augmentant de 20 à 30 fois pour atteindre des niveaux 15 fois supérieurs à ceux des filles.
Cette vague de testostérone s’accompagne de profonds changements dans le corps masculin :
- Augmentation de la masse musculaire
- Diminution du pourcentage de graisse dans le poids corporel
- Accroissement de la taille du cœur et des poumons
- Hausse du taux d’hémoglobine dans le sang, etc.
Tous ces facteurs contribuent à donner aux hommes un net avantage en termes de force, de puissance et d’endurance.
Testostérone
La testostérone est une hormone stéroïdienne sexuelle produite par plusieurs tissus humains. Chez les hommes, elle est principalement sécrétée par les testicules, tandis que chez les femmes, elle est produite en moindre quantité par les ovaires. Les glandes surrénales en sécrètent également de petites quantités. Cette hormone joue un rôle crucial dans la régulation des fonctions reproductives, le développement des caractéristiques sexuelles secondaires, ainsi que dans le maintien de la masse musculaire et osseuse.
Un point tournant
Avant la puberté, les performances des garçons et des filles sont très similaires. C’est vers 12-13 ans que l’écart se creuse rapidement. Des études sur de jeunes athlètes d’élite font ressortir une importante corrélation entre l’augmentation du taux de testostérone des garçons et l’écart grandissant de performance avec les filles. À l’âge adulte, les différences hommes-femmes de VO2max entre les genres vont de 7 à 13 mL/kg/min.
Cela explique pourquoi même les meilleures athlètes féminines peinent à rivaliser avec leurs homologues masculins au plus haut niveau. Cela explique également pourquoi dans presque tous les sports, les femmes et les hommes concourent séparément, ou ensemble avec des classements distincts.
Part du culturel
Mais ces différences biologiques n’expliquent pas tout. Historiquement, les femmes ont eu moins d’opportunités de pratiquer des sports. Exclues de nombreuses disciplines pendant des décennies, elles accusent encore un retard en termes de participation et d’accès aux ressources. Ce facteur culturel se reflète dans l’évolution des records. Quand une épreuve s’ouvre aux femmes, leurs performances progressent bien plus vite que celles des hommes pendant 20-30 ans, avant de se stabiliser. C’est ce qu’on a observé par exemple pour le marathon féminin, introduit aux Jeux olympiques seulement en 1984.
Évolution du temps (échelle inversée) au marathon pour les hommes et les femmes. L’écart s’est particulièrement amenuisé au moment où le marathon féminin s’est ajouté au programme olympique (Jeux de Los Angeles, 1984).
Vers une réduction de l’écart ?
Si les différences physiologiques entre hommes et femmes semblent difficiles à effacer complètement, l’écart de performance pourrait encore se réduire à l’avenir, grâce notamment à une participation accrue des femmes dans les programmes sportifs visant le haut niveau, et grâce aussi à un encadrement tenant compte de façon plus pointue du profil physiologique et mental des filles et des femmes. Voir à ce sujet Physiologie du sport au féminin – enfin l’heure juste.
Commentaire personnel
En tant que physiologiste de l’exercice spécialisé dans l’entraînement d’athlètes de haut niveau, est-ce que je suis d’accord avec le consensus publié par l’ACSM ? Oui, parfaitement. Mais attention ! Même s’il est étayé de solides connaissances scientifiques, ce texte de consensus occulte au moins deux points qui me semblent importants.
Primo, il faut admettre que dans certaines disciplines, les meilleures sportives sont plus performantes que les meilleurs sportifs. C’est notamment le cas en équitation, en natation artistique, en natation de très longue distance, au plongeon, au tir au pistolet et au tir à l’arc.
Secundo, il ne faut pas oublier que la condition physique, les dispositions psychologiques et la performance sportive (tout comme bien d’autres qualités) varient énormément d’une personne à l’autre au sein de la population masculine, tout comme au sein de la population féminine. Le niveau de développement de chaque déterminant physique et mental de la performance sportive est donc distribué suivant une courbe normale. Pour plusieurs déterminants, la courbe de distribution des filles ou des femmes est un peu décalée par rapport à celle des garçons ou des hommes, comme l’illustre la figure. C’est ce décalage des courbes de distribution qui nous fait dire que les hommes ont un avantage sur les femmes.
Prenons par exemple la distribution du VO2max au sein d’une population où cet important déterminant de la performance dans les sports d’endurance serait en moyenne de 40 chez les femmes et de 50 mL/kg/min chez les hommes. Le nombre de femmes possédant un VO2max d’au moins disons 55 mL/kg/min est certes inférieur à celui des hommes. N’empêche que ces femmes ont une meilleure aptitude aérobie que la majorité des hommes !
Distribution du VO2max au sein d’une population où cet important déterminant de la performance dans les sports d’endurance serait en moyenne de 40 chez les femmes et de 50 mL/kg/min chez les hommes. Un pourcentage non-négligeable des femmes ont une aptitude aérobie supérieure à celle de la majorité des hommes.
Quel que soit le sport, seul un très petit pourcentage de la population masculine pourrait mieux performer que les meilleures femmes. Rares sont les marathoniens québécois pouvant se vanter d’avoir un record personnel plus rapide que celui de la meilleure marathonienne québécoise de l’histoire, Jacqueline Gareau (2 h 29 min 28 s). Et peu d’hommes dans le monde peuvent courir le 200 m en moins de 23 secondes comme Audrey Leduc ou surpasser l’haltérophile québécoise Maude Charron qui a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques d’été de Tokyo en 2021, en totalisant 236 kg pour son arraché et son épaulé-jeté.
Plutôt que d’affirmer que les hommes sont plus forts que les femmes, il serait plus juste de dire que pour certains déterminants physiologiques de la performance les moyennes diffèrent entre les genres, que ces différences sont loin d’être absolues et que la variabilité individuelle est considérable. Il existe de nombreuses femmes évoluant en sport de haut niveau qui surpassent la majorité des hommes dans leur discipline respective, démontrant ainsi que le potentiel athlétique transcende souvent les généralités basées sur le genre.
Références
Bieuzen F. et coll. (2024) Physiologie du sport au féminin. Brochure publiée par Égale action et l’Institut national du sport du Québec, 32 pages.
Hunter S. K. et coll. (2023) The Biological Basis of Sex Differences in Athletic Performance : Consensus Statement for the American College of Sports Medicine. Med Sci Sports Exerc. 55(12):2328-60.
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