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Est-ce qu’on abîme nos poumons en s’entraînant ?

Pratiquer régulièrement un sport d’endurance s’accompagne d’un très grand nombre d’effets bénéfiques bien connus des scientifiques. En effet, des recherches épidémiologiques – où l’on suit pendant plusieurs années l’état de santé et les habitudes de très grandes cohortes ; parfois plusieurs milliers de personnes – permettent de quantifier le risque d’être atteint de telle ou telle maladie ou d’en mourir prématurément, selon qu’on fait ou non de l’exercice physique.

Fondées sur le principe du « toute autre chose étant par ailleurs égale », ces études discriminent l’effet « exercice physique » de l’effet des autres bonnes habitudes de vie, par exemple s’alimenter sainement ou ne pas fumer. C’est comme cela que l’on a démontré que par rapport aux adeptes des sports d’endurance, les personnes qui ne font pas d’exercice aérobie risquent beaucoup plus d’être atteintes de problèmes graves comme les maladies cardiovasculaires dont l’hypertension, le diabète non insulino-dépendant, l’ostéoporose et certaines formes de cancer (principalement du côlon et du sein). Sans compter que l’exercice physique réduit les symptômes d’angoisse et de détresse, et améliore la qualité du sommeil, de même que le bien-être général.

L’immense plaisir de pratiquer assidument notre sport vient donc avec, en prime, d’importants bénéfices pour notre santé !

Mais est-ce que la pratique assidue de sports d’endurance peut aussi s’accompagner d’effets nocifs sur le plan respiratoire ? Il semble que oui, bien qu’il n’en soit pratiquement jamais question sur les terrains de sport.

Les sportifs d’expérience savent qu’ils risquent de se retrouver tôt ou tard avec une ou même plusieurs sources d’inconfort comme des blessures de surutilisation (ou blessures « d’usure ») causées par un stress « mécanique » trop important par rapport à leur capacité d’adaptation : tendinites, paresthésies, etc. Un repos de quelques jours et, généralement, on est d’aplomb.

Mais aucun sportif ne s’attend à ce que son entraînement augmente le risque de problème pulmonaire.

Or, des recherches indiquent que l’entraînement aérobie intensif peut parfois affecter la santé pulmonaire. Par exemple, des observations effectuées auprès d’athlètes d’endurance de la région de Québec au Canada suggèrent que l’entraînement intensif et certains facteurs environnementaux (ex. pollution, exposition à la fumée de cigarette et à des allergènes) peuvent affecter les fonctions respiratoire et cardiovasculaire. En effet, on a trouvé une forte prévalence d’asthme induit par l’exercice et de toux à l’effort chez les athlètes qui s’entraînent dehors l’hiver.

Le symptôme le plus fréquemment rapporté est la toux post-exercice. Si le réflexe tussigène est accentué chez certains athlètes, c’est manifestement à cause de l’inhalation de grands volumes d’air froid pendant les séances d’entraînement effectuées lorsque la température extérieure est très basse (sous les -15°C). Plusieurs phénomènes se conjuguent alors pour précipiter l’inflammation des voies respiratoires : plus grand gradient de température, plus grande concentration de composés ioniques dans les fluides des muqueuses des voies respiratoires, etc.

Un sondage mené en Norvège auprès de 1600 athlètes révèle que 10 % de ces derniers font de l’asthme ou ont d’autres symptômes bronchiques.

Déjà en 1996, le United States Olympic Committee rapportait que 117 des 700 athlètes interrogés pendant les Jeux olympiques d’été d’Atlanta 1996 se disaient asthmatiques, soit 17 %. Les plus affectés étaient les cyclistes, avec une proportion de 50 %.

Comme certaines médications pour l’asthme ont un effet ergogène non négligeable, plusieurs personnes pensent que des athlètes à la morale douteuse se prétendent asthmatiques pour obtenir une autorisation d’utilisation médicale. Quoi qu’il en soit, l’examen clinique des athlètes états-uniens qui se préparaient pour les Jeux olympiques d’hiver de Nagano 1998 a révélé que le quart de ceux-ci souffraient véritablement de bronchospasmes. Les plus affectés étaient les skieurs de fond : un sur deux !

Selon des recherches menées en Norvège, chez les skieurs de fond, les mauvais résultats au test d’inhalation d’une substance brochoconstrictive sont trois fois plus fréquents que chez les non-athlètes. Ce problème est plus fréquent chez les skieurs qui s’entraînement plus souvent au froid intense et sec (ex. les Suédois, comparativement aux Norvégiens).

On ne sait pas pour l’instant si les sportifs qui s’entraînent dehors l’hiver risquent tout autant que les skieurs de fond chevronnés d’être affectés. Mais on sait que parmi les athlètes s’entraînant au froid, les problèmes pulmonaires sont plus fréquents chez les 30 à 40 ans que chez les 20 à 30 ans, ce qui permet de penser que ce problème peut empirer au fil des ans.

Par ailleurs, d’autres recherches indiquent que l’entraînement aérobie intensif peut aggraver certaines allergies.

Prévenir

Rappelons que la majorité des sportifs ne sont pas affectés par les problèmes pulmonaires et que tous profitent des effets bénéfiques de l’exercice physique aérobie. Pour prévenir les problèmes pulmonaires, on recommande d’éviter de faire des sorties à très haute intensité lorsqu’il fait particulièrement froid. Mieux vaut alors s’entraîner à l’intérieur, par exemple sur home trainer ou sur tapis roulant, ou faire de la musculation en salle. À défaut, on peut porter un masque qui couvre le nez et la bouche. Il faut aussi prendre quelques jours de repos quand on a un rhume ou une grippe.

En cas d’asthme diagnostiqué, le traitement pour les sportifs n’est pas différent de celui pour les non-athlètes, et il faut l’appliquer méticuleusement.

Rappelons aussi que :

  1. l’effort à vélo s’accompagne de moins de crises d’asthme que l’effort semblable en course à pied ;
  2. l’entraînement aérobie est globalement bénéfique pour les asthmatiques ;
  3. l’asthme n’a pas empêché de nombreux sportifs d’atteindre un très haut niveau de performance (ex. : les cyclistes Miguel Indurain et Ian Ullrich, et la biathlonienne Myriam Bédard).

Bref, il faut admettre que la pratique sportive intensive, surtout au froid, peut, dans certains cas, affecter la santé pulmonaire. Heureusement, ses effets bénéfiques dépassent de beaucoup ses effets négatifs. Quoi qu’il en soit, en présence de certains symptômes comme des difficultés respiratoires à l’effort et une toux post-exercice sans maladie infectieuse, il est sage de consulter son médecin.


À ce propos

Prevalence of respiratory symptoms in an athlete population (2003)
Comparative prevalence of asthma in different groups of athletes : a survey (2004)


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

  1. André Papineau dit :

    Étonnant que vous ne sachiez pas que les cyclistes et skieurs de fond professionnels se font prescrire des bronchodilatateurs même s'ils ne sont pas asthmatiques. Leurs médecins d'équipe leur font des diagnostics bidons : dilatation des bronches, donc meilleure gestion de l'oxygène. Avec les taux de globules qu'ils ont (pas toujours naturels…) : boum ! Amélioration immédiate des performances… Ils ne sont pas plus asthmatiques que les autres, ils ont des médecins plus permissifs.

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