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Priver ses muscles d’oxygène pour les rendre plus performants ?

Dans la chronique Ignorances scientifiques et le sport, j’affirmais qu’il y avait des connaissances scientifiques pertinentes qui ne sont pas encore appliquées couramment sur les terrains de sport. Examinons l’exemple de la technique de préconditionnement ischémique.

Les effets positifs de la technique de préconditionnement ischémique sur le travail musculaire et les performances sont démontrés, mais elle n’est pratiquement pas connue des sportifs et des entraîneurs.


Ischémie

On appelle ischémie l’arrêt ou la diminution de l’apport sanguin artériel dans un tissu biologique ou un organe.


La technique est simple, bien qu’inconfortable.

Pour l’illustrer, prenons l’exemple d’un cycliste devant participer à une poursuite individuelle sur piste. Un peu plus de 30 minutes avant le départ, on fixe un brassard au haut d’une de ses cuisses (juste en-dessous du pli sous fessier). On gonfle le brassard (plus de 200 mm Hg), de sorte que les muscles de la jambe sont privés de sang et, donc, d’oxygène. On dégonfle le brassard après cinq minutes, et on le fixe au haut de l’autre cuisse, puis on le garde gonflé pendant cinq minutes. On répète la procédure trois fois.

À cause de ces périodes de privation en oxygène, une cascade de phénomènes physiologiques se mettent en branle, de sorte que pendant la compétition les muscles seront plus aptes au pédalage d’intensité très élevée.

Réponse physiologique à l’ischémie

À cause de la privation d’oxygène, il y a libération de substances vasodilatatrices comme l’adénosine, la bradykinine et l’oxyde nitrique, d’où un flux sanguin accru.

Le nombre d’études sur les effets ergogènes du préconditionnement ischémique n’est pas très élevé (une vingtaine, à la fin de 2020), mais elles sont plutôt concluantes.

Dans l’une de ces études, menée à l’Université Laval, Pénélope Paradis-Deschênes, Denis R. Joanisse et François Billaut ont montré que cette technique augmente d’environ 12 % la force musculaire tout au long d’un test enchaînant des contractions musculaires maximales, effectué juste après les périodes de préconditionnement ischémique.

Dans cette étude, tous les sujets du groupe expérimental avaient amélioré leur performance.

D’autres études menées dans d’autres pays avec d’autres protocoles indiquent que quelques cycles d’occlusion augmentent divers indices de performance, par exemple la puissance durant un test maximal progressif sur ergocycle, la distance qu’un nageur peut pour parcourir sous l’eau, et la performance lors d’un contre-la-montre cycliste de 5 km ou d’un sprint de 100 m en natation.

Dans certaines de ces études, on n’a pas fait ressortir d’effet ergogène, mais en général, les améliorations de la performance vont de 1,6 à 2,3 %. En sport de haut niveau, de telles améliorations sont jugées très importantes.

Pénélope Paradis-Deschênes et ses collègues ont récemment montré qu’en appliquant la technique de préconditionnement ischémique avant des séances d’entraînement composées de répétitions de sprints, on obtient des adaptations plus marquées, et une plus grande amélioration de la performance au cours de tests d’endurance cycliste.

Cela peut sembler surprenant, mais on peut bel et bien améliorer la performance dans certains sports en privant les muscles d’oxygène. Si le préconditionnement ischémique n’est pas encore couramment utilisé sur les terrains de sport, c’est peut-être parce qu’on trouve cette technique trop inconfortable, ou parce qu’on la perçoit comme une forme de tricherie. Mais je crois plutôt que c’est parce qu’elle n’est pas connue.

Il y a beaucoup à faire pour rendre accessible le lot de connaissances scientifiques pertinentes (qui ne cesse de croître, et ce, de plus en plus vite) pour les sportifs et les entraîneurs.


Avec la participation de François Billaut


Références d’intérêt


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

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