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Statines : profil lipidique vs aptitude aérobie

Améliorer le profil lipidique à l’aide de statines réduirait-il l’effet salutaire de l’entraînement cardio ?

Pour réduire le « mauvais » cholestérol des personnes qui en ont trop, on leur recommande toujours l’exercice physique. Mais, souvent, on leur prescrit aussi des médicaments hypolipidémiants appelés statines. On trouve en pharmacie plusieurs types de statines. Toutes permettent manifestement de réduire la concentration de « mauvais » cholestérol dans le sang des personnes dont le profil lipidique est signe de risque de maladie cardiovasculaire.

Mais les personnes qui commencent à prendre des statines vont parfois réduire et non pas augmenter leur niveau d’activité physique, peut-être parce que certaines des statines ont notamment l’effet secondaire de causer des douleurs musculaires.

Un rapport de recherche, The Effect of Statins on Skeletal Muscle Function (2013), fait ressortir que bien que de fortes doses d’atorvastatine (Lipitor, un hypolipidémiant très courant) pendant six mois n’affectent ni la force ni la performance musculaire, les sujets qui se mettent à en prendre se plaignent davantage de douleurs musculaires. Et comme on trouve plus de l’enzyme créatine kinase dans le sang de ces sujets (un indicateur de « dommages musculaires ») après quelques semaines sous hypolipidémiants, on a de bonnes raisons de se demander si l’on en sait suffisamment sur l’effet de ces médicaments sur les muscles des personnes qui s’entraînent notamment pour améliorer ou maintenir leur aptitude aérobie.

Certaines recherches suggèrent que les statines pourraient diminuer l’effet bénéfique de l’entraînement sur l’aptitude cardiorespiratoire.

Prenons par exemple l’étude Simvastatin impairs exercise training adaptations (2013), menée auprès de sujets sains mais ayant des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, dont certains prenaient de la simvastatine (40 mg/jour), un hypolipidémiant connu, bien que moins souvent prescrit que la rosuvastatine (Crestor) ou l’atorvastatine (Lipitor). Médicamentés ou non, tous les sujets ont participé à un programme d’entraînement en endurance de 12 semaines (5 séances par semaine). Alors que cet entraînement a permis aux 19 sujets sans médication de profiter d’une amélioration importante de leur aptitude cardiorespiratoire (10 %), il n’a pratiquement pas eu d’effet (amélioration de seulement 1,5 %) sur celle des 18 sujets qui prenaient de la simvastatine pour améliorer leur profil lipidique.

Réagissant notamment à cette recherche, les auteurs d’une publication scientifique plus récente, Statins, exercise, and exercise training (2019), soulèvent une question pertinente : est-ce que les sujets se sont moins améliorés parce qu’ils se sont entraînés moins intensivement à cause de douleurs musculaires découlant de la prise du médicament ?

Les auteurs de Statin therapy does not attenuate exercise training response in cardiac rehabilitation donnent un autre son de cloche. Leur étude indique que l’amélioration de l’aptitude cardiorespiratoire de patients cardiaques en réponse à un entraînement en endurance (seulement 3 séances par semaine) n’est pas différente selon qu’ils prennent ou non des statines (on n’y précise pas quelles statines les sujets prenaient). Mais attention ! Ce rapport de recherche s’intéresse aux patients cardiaques et non pas aux personnes qui n’ont que des facteurs de risque de telles maladies.

Il faudra mener d’autres recherches pour vérifier si ce sont toutes les statines qui altèrent la fonction musculaire et l’amélioration de l’aptitude cardiorespiratoire associée à l’entraînement cardiovasculaire.

Quoi qu’il en soit, l’éminent cardiologue Martin Juneau (directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal) souligne à juste titre qu’il faut peser le pour et le contre avant de prendre des statines en prévention primaire (personnes sans maladie cardiovasculaire, mais peut-être à risque).

Souvent, de saines habitudes de vie (comme la pratique régulière d’activités physiques) ont un effet salutaire supérieur à ce médicament, et n’entraînent évidemment pas les mêmes effets secondaires indésirables.

Pour les personnes qui ont un mauvais profil lipidique, prendre des statines est peut-être indiqué. Mais les personnes qui se font recommander des statines alors qu’elles cherchent tout de même à performer dans un sport d’endurance ou, à tout le moins, à augmenter leur niveau d’activité physique ou à maintenir leur aptitude cardiorespiratoire, auraient certainement avantage à questionner leur médecin sur les effets indésirables potentiels de cette médication.


Merci à Evelyne Gagnon, pharmacienne et cycliste pilote de tandem paracycliste, pour son aide dans la préparation de cet article.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

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