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Votre « turbo » biologique : le second souffle

C’est typique : alors que les premières minutes d’entraînement semblaient ardues, il se fait tôt ou tard une sorte de « déverrouillage », puis tout semble enfin plus agréable. C’est le second souffle.

Ce déblocage n’est pas le fruit de notre imagination : pratiquement tous les adeptes de sports d’endurance profitent du second souffle, ce phénomène naturel qui se caractérise par le passage soudain (ou quasi soudain) d’un état de fatigue ou de malaise mal défini à un état plus confortable. La détresse initiale n’est pas nécessairement perçue de la même manière par tous les sportifs : une sensation d’avoir le souffle court ; une respiration rapide ; un inconfort à la poitrine, à la tête et aux muscles ; ou même un vertige.

Cette transition survient généralement entre la deuxième et la trentième minute d’exercice.

Elle est ressentie comme une plus grande facilité à respirer, une disparition partielle ou complète des douleurs musculaires et à la poitrine. En général, le second souffle survient plus rapidement si l’exercice est intense et s’il fait chaud. La détresse respiratoire des premiers moments disparaît pour laisser place à une certaine facilité. Même les grands champions vivent le second souffle, sauf qu’ils y prêtent généralement moins attention que les néophytes.

Et n’allez pas croire que cette aisance générale survient tout bêtement parce que l’intensité de l’effort est réduite, volontairement ou non. Même lorsqu’on fait un exercice sur un ergomètre où l’intensité demeure strictement constante, on peut ressentir un second souffle. C’est prouvé !

Il y a plus d’une explication possible du phénomène du second souffle.

La première est dépassée !
Certains pensent encore que le second souffle découle d’une réduction soudaine de la quantité d’acide lactique présente dans les muscles ou par une réduction de la quantité de lactate présente dans le sang. Aujourd’hui les scientifiques savent que ni l’acide lactique, ni le lactate ne sont responsables de la fatigue. On a déjà expliqué tout cela ici Faut-il craindre l’acide lactique et le lactate ?. En fait, c’est le contraire qui se produit ! Des études indiquent qu’après un échauffement suffisamment intense pour qu’il y ait production d’une assez grande quantité de lactate, la performance en sport d’endurance (ex. : contre-la-montre cycliste) est pas mal meilleure qu’après un échauffement où il y a peu de lactate mis en circulation dans le sang. Il semble que la présence de lactate favorise l’action du potassium dans les cellules musculaires, d’où le gain de performance.

La deuxième hypothèse est probablement la bonne !
Il est fort possible que le second souffle soit dû à un ajustement dans les propriétés contractiles des muscles de la respiration – c’est-à-dire le diaphragme et les muscles intercostaux – survenant après quelques minutes d’échauffement.

En effet, des chercheurs allemands ont montré qu’au moment où survient le second souffle, les muscles de la respiration se mettent à fonctionner de façon différente.

Il y a moins de fibres musculaires recrutées pour faire un travail respiratoire qui n’a pourtant pas diminué, et la contractilité des muscles inspiratoires, particulièrement le diaphragme, est meilleure, tout cela grâce à une redistribution du sang favorable et à une augmentation de la concentration sanguine de certaines hormones, notamment l’adrénaline.

La troisième hypothèse n’est pas bête du tout !
En se basant sur certaines recherches (peu nombreuses, mais tout de même édifiantes), certains spécialistes avancent que le second souffle serait plutôt dû à un ajustement dans le métabolisme énergétique. Chose certaine, les patients qui souffrent de la maladie de McArdle (ils ne peuvent métaboliser leurs réserves de glycogène musculaires à cause d’un déficit enzymatique) font l’expérience d’un second souffle extrêmement marqué chaque fois qu’ils font un exercice d’endurance. Ils éprouvent énormément de difficulté à débuter l’exercice (ils ne peuvent pas faire d’effort en anaérobie), mais après quelques minutes, leurs cellules musculaires tirent l’énergie nécessaire pour la contraction à partir de l’oxydation de glucides apportés aux muscles par la circulation sanguine. Ainsi, on peut penser que le second souffle s’explique par l’augmentation de l’apport en glucose sanguin à partir de sources extra-musculaires.

Et les endorphines ?
Au fur et à mesure que progresse une séance d’entraînement, surtout si elle est particulièrement difficile, il y a une augmentation de la concentration d’endorphines. C’est d’ailleurs ce qui explique que le seuil de douleur est repoussé pendant et immédiatement après chaque séance d’entraînement. Les endorphines sont les hormones de la douleur. Elles envoient un signal en quelque sorte « anesthésiant » au cerveau, si bien qu’on est plus apte à faire un exercice intense sans en souffrir de manière trop marquée. Toutefois, rien ne prouve que la présence d’endorphines dans le sang explique le second souffle. Plusieurs attribuent aux endorphines le runner’s high, cet état euphorique que les coureurs de fond ressentent parfois après une dizaine de kilomètres.

Mais le runner’s high (qui survient aussi dans d’autres sports que la course à pied, bien qu’il en soit moins souvent question) s’apparente davantage à un « troisième souffle » qu’à un deuxième, puisqu’il survient relativement tard dans la séance d’entraînement.

Il est possible que le second souffle soit dû à une combinaison de plusieurs phénomènes. Chose certaine, on a toujours de meilleures sensations quand on débute une sortie par un échauffement approprié.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

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