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Vélo : à quelle cadence pédaler ?

Qu’est-ce qui est préférable : tourner les jambes à cadence élevée avec un petit braquet ou enrouler en force un grand développement ?

Tout dépend des conditions de parcours et de l’objectif poursuivi !

À vélo, à une vitesse donnée, on peut miser sur un coup de pédale mettant l’accent sur la vitesse ou sur la force. Dans le premier cas, on « mouline » à fréquence élevée ; dans le second, on enroule un plus grand braquet, en poussant et en tirant plus fort à chaque coup de pédale. La fourchette des cadences possibles est très grande. Alors que les novices ont tendance à grimper à moins de 50 rpm, les pistards chevronnés peuvent sprinter à plus de 140 rpm !

Si vous et moi avons les mêmes dimensions corporelles et si nous roulons côte à côte à des cadences de pédalage différentes, la puissance que nous développons (au sens physique du terme) est pratiquement la même. Mais le coût en énergie (calories dépensées) n’est pas nécessairement égal. Idem pour la fatigue musculaire ressentie pendant et après l’effort : celui ou celle de nous deux qui roule à basse cadence ressentira un plus grand stress musculaire, même si le stress cardiovasculaire qu’on encaisse n’est pas très différent. D’où la question souvent posée : à quelle cadence dois-je pédaler ?

On entend souvent dire qu’il faut pédaler à environ 80-90 rpm sur le plat et environ 70-80 rpm en montée.

Il est vrai que c’est ce que font la majorité des cyclistes expérimentés. Peut-être que vos amis qui pédalent en toute circonstance à basse cadence font sourciller les experts de votre peloton dont le coup de pédale est plus véloce.


Les pros tournent les jambes

Le suivi de coureurs professionnels pendant les trois Grands tours indiquent que leur cadence est en moyenne de 89,3 rpm sur le plat, 92,4 rpm en contre-la-montre et 71,0 rpm en montée.


Depuis plusieurs années, des recherches indiquent clairement que c’est à des fréquences de pédalage plutôt basses (environ 55 rpm) que l’on minimise la dépense énergétique. Autrement dit, on est plus efficace à basse cadence qu’à cadence élevée. Est-ce que ça veut dire qu’on aurait avantage à enrouler de grands braquets ?

Non, pas du tout ! Et ce, pour plusieurs raisons. La principale raison expliquant que les bons cyclistes optent généralement pour une cadence supérieure à celle qui leur permettrait de dépenser moins d’énergie est la suivante : ce qui dicte (inconsciemment) la cadence préférée de pédalage, ce n’est pas la recherche de la plus grande efficacité, mais plutôt la recherche du plus petit « dérangement » musculaire global.

Des chercheurs plutôt ingénieux ont simulé à l’aide de modèles mathématiques l’évolution des tensions qu’il faut développer dans chacun des quelque 12 muscles du pédalage, et ce, à diverses intensités et à diverses cadences de pédalage. Ils ont découvert que le jeu complexe des tensions musculaires semble atteindre un niveau optimal exactement à la cadence de pédalage choisie spontanément par les cyclistes chevronnés. En effet, l’oscillation des forces qu’il faut exercer sur la pédale est alors atténuée (et donc en quelque sorte optimisée) à environ 90-100 rpm chez des cyclistes dont la cadence préférée se trouve justement à l’intérieur de cette fourchette.

Rappelons que dans les muscles, il existe des fibres musculaires à contraction rapide et d’autres à contraction lente. Les premières sont plus fortes, mais elles se fatiguent plus vite que les secondes. En pédalant à une cadence qui atténue les pics de force que l’on développe, on réduit globalement la sollicitation des fibres à contraction rapide. Ainsi, on prolonge la période de temps pendant laquelle on peut maintenir l’effort, avant de s’épuiser.

D’ailleurs, les cyclistes d’expérience justifient souvent leur choix de fréquence de pédalage en disant qu’à haute cadence, ils finissent la course avec moins de douleurs musculaires et ils récupèrent plus rapidement.

En fait, l’idéal à l’entraînement et en compétition est de choisir le braquet approprié aux conditions qui prévalent. Les recherches indiquent que sur pente prononcée, le coût en oxygène et la fréquence cardiaque sont les mêmes, que l’on pédale assis ou en danseuse, mais la perception de la fatigue des muscles des jambes est significativement plus élevée en position assise. Or en montée abrupte, la cadence « confortable » est plus basse en danseuse qu’assis, d’où l’intérêt de miser sur la stratégie suivante quand on entame une côte après un plat. Il s’agit de conserver le même braquet jusqu’à ce que la cadence ait diminué suffisamment (à cause de la pente) pour qu’il devienne plus « confortable » de pédaler en danseuse qu’assis. À ce moment, on se lève sur les pédales et quand la vitesse devient encore plus basse, on réduit le braquet afin de demeurer dans une fourchette de cadences appropriée. Et quand on doit s’assoir sur la selle, on réduit davantage le développement afin d’éviter que la cadence ne passe sous un seuil critique qui nous obligerait à contracter trop fortement les muscles.

Lorsqu’il s’agit de produire une vitesse de pointe pendant une courte période de temps, le but n’est pas tant d’être efficace que d’être puissant. Dans ce cas, la cadence optimale de pédalage est plus élevée.

En effet, des recherches indiquent que la puissance développée (produit de la force développée et de la vitesse) pendant un sprint bref augmente avec la cadence jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur optimale à 110-130 rpm. Au-delà de cette fréquence optimale de pédalage, la puissance que l’on peut développer diminue, si bien qu’il est aussi peu souhaitable de sprinter à 150 rpm qu’à 75 rpm.

Les cyclistes néophytes ont trop souvent tendance à demeurer sur un grand braquet même quand les conditions de parcours deviennent moins rapides. C’est une erreur à corriger ! Et tous les cyclistes ont intérêt à se pratiquer à rouler dans une vaste gamme de cadences.

Je recommande de faire environ 70 % de chaque séance à une cadence normale suivant les conditions qui prévalent, 20 % à une cadence plus élevée (sans toutefois faire de compromis sur la qualité de la gestuelle), et 10 % à une cadence basse.

Pendant les séances d’entraînement par intervalles, que ce soit à l’extérieur ou sur home trainer, on peut appliquer ces pourcentages aux répétitions d’effort. Mais dans tous les cas, il faut suivre une longue et lente progression du volume de pédalage à basse fréquence, afin de réduire le risque de blessure. Par ailleurs, les cyclistes qui s’entraînent sur parcours plat en vue de compétitions en côtes ont avantage à consacrer un pourcentage plus élevé de leurs sorties au pédalage à basse cadence.

Bref, les fourchettes de cadences de pédalage les plus appropriées ne sont pas nécessairement celles qui minimisent la dépense énergétique. Il faut « jouer » avec la cadence selon que les conditions sont rapides ou lentes, et soigner son style en tout temps.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

  1. Blondeau dit :

    Je partage totalement .Cependant plusieurs facteurs influent sur la fréquence de pédalage et en particulier la répartition des fibres musculaires et la position . La fréquence comprise entre 80 et 110 tr/mn limite les contraintes tendineuses , musculaires et favorisent le retour veineux..Ceci étant si l'on devait définir la " velocite " il faudrait dire 54×11 a 100tr/mn …Autrefois on nous disait " si tu est essoufflé c'est que ton développement est trop faible et si tu as mal aux jambes c'est qu'il est trop grand " … La vérité est entre les deux …

  2. Dupire dit :

    Je ne partage pas cette analyse.
    A un journaliste qui lui demandait pourquoi il tirait gros, Anquetil avait répondu : pour économiser de l'énergie, car la jambe qui remonte en consomme un peu. Le journaliste étant septique Anquetil l'a fait s'asseoir au bord d'une table et "pédaler" dans le vide. Dépense d'énergie théoriquement nulle puisque la jambe qui descend (par gravité) n'appuie sur rien, et pourtant au bout de 2 mn le journaliste n'en pouvait plus.
    Anquetil avait raison. On parle depuis peu des "gains marginaux" mais on devrait s'intéresser aussi aux "pertes marginales" quand on mouline trop.

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