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Pour mieux doser l’effort à vélo, la téléoanticipation vous dîtes ?

Pour exceller à vélo, il faut non seulement posséder des qualités physiologiques comme l’aptitude aérobie, mais aussi une qualité mentale que l’on appelle la téléoanticipation. De quoi s’agit-il ?

Voici une observation scientifique qui mérite explication : « pendant un événement cycliste, la puissance de pédalage que l’on doit développer évolue de manière stochastique, si bien que notre performance dépend notamment de notre aptitude à faire preuve de téléoanticipation ».

Euh, pouvez-vous répéter s’il-vous-plaît ?

Pas si compliqué

Stochastique veut dire « aléatoire ». Règle générale, quand vous participez à un événement cycliste (entraînement de groupe, cyclosportive, compétition, etc.), vous devez déployer un effort qui varie au fil du temps d’une manière qui semble aléatoire – c’est à dire stochastique –, mais qui, en fait, découle des aléas du vent, de la rugosité du revêtement de la route et, surtout, de la topographie et des stratégies de course (les vôtres, et celles des autres). Dans ces conditions, votre performance dépend non seulement du niveau de développement de vos qualités physiques, mais également de votre habileté à faire de la téléoanticipation.

En vélo, la téléoanticipation est en quelque sorte la gestion parcimonieuse de l’intensité de pédalage que l’on fait de manière plus inconsciente que consciente pour mieux atteindre le but global de la sortie, en prévoyant l’évolution possible de la situation de course. En grec telos signifie « fin, but » et teleios signifie « complet, achevé ».

Des exemples !

Vous faites preuve de téléoanticipation si vous réduisez votre intensité de pédalage avant d’avoir fait la jonction avec le peloton que vous chassez, dès lors que vous anticipez (peut-être de manière inconsciente) que ce peloton va ralentir, pour une raison ou une autre. L’énergie ainsi épargnée pourra servir plus tard, dans les moments critiques.

Vous faites aussi de la téléoanticipation si, pendant une course de vélo de montagne (VTT comme on dit en Europe), vous augmentez spontanément l’intensité de pédalage dans une côte brève et pentue, même si vous êtes déjà dans le rouge. Vous avez peut-être anticipé que la montée est suivie d’un segment moins ardu. Ou vous avez jugé plus ou moins consciemment que sans ce petit ‘coup de reins’, vous auriez dû parcourir le reste de la côte en marchant avec le vélo sur l’épaule. Tout se passe comme si vous trouviez en tout temps, consciemment ou non, le juste dosage de l’effort en fonction des aléas anticipés de la situation de course.

C’est aussi par téléoanticipation qu’on démarre moins rapidement une course contre la montre qui sera longue.

Et on a montré que les cyclistes chevronnés ont spontanément tendance à modérer leur intensité de pédalage lorsqu’il fait particulièrement chaud, et ce, avant que leur corps ne montre des signes de surchauffe.

Par ailleurs, si on se sent un peu ‘paresseux’ la veille ou le matin d’un événement cycliste important, c’est peut-être aussi par téléoanticipation : on se garde de l’énergie !


Anecdote

Pendant une sortie cycliste récente, je me suis fait rattraper une centaine de mètres avant une brève montée abrupte par un cycliste dans la vingtaine manifestement en très bonne forme, mais dont la technique de pédalage trahissait un manque d’expérience. Sa gestion du braquet à l’amorce et tout au long de la montée était si déficiente que j’ai failli lui rentrer dedans ! Je n’ai toutefois pas eu l’occasion de lui parler de téléoanticipation, parce qu’il m’a rapidement devancé sur le plat, profitant de son excellent ‘moteur’.


Là où ça compte le plus

La téléoanticipation est donc souvent déterminante, bien que ses effets soient généralement subtils. Elle est particulièrement importante au cours des sorties prolongées où les principales difficultés se trouvent en fin de parcours. Les cyclistes chevronnés prennent alors soin d’en garder sous la pédale en début de séance, alors que ceux qui ne font pas preuve de téléoanticipation vont tôt ou tard payer le prix d’un départ trop fougueux… en peinant à franchir les dernières bornes.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

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