Plume enchantée creusant la fibre de Géants de la Route
Dès que l’on met ne serait-ce que le bout du nez dans la culture cycliste, on est frappé par l’extraordinaire couleur des chroniques des grands reporters francophones. Par exemple ceux de L’auto (une autre époque !), L’équipe, ou même La Presse (Pierre Foglia, tu nous manques terriblement !).
Y sont glorifiés notamment l’effort, l’abnégation et, parfois, le destin tragique. Pas n’importe comment : avec un style chatouillant celui de grands écrivains : Montaigne, Proust, Cohen, etc.
Du lot de ces maillots jaunes du verbe, il y en a un qui, dorénavant, se distingue. Dans le monde littéraire de la roue libre, il est en échappée, et rien n’indique qu’un peloton remontera sur lui. Il s’appelle Olivier Haralambon.
Son livre tout récent – Mes coureurs imaginaires – est un véritable chef d’œuvre. Les gouttes de sueur et les larmes – celles du vainqueur, celles des perdants – n’auront jamais été si bien rendues que par la plume d’Haralambon.
Si la poésie et la littérature de haute altitude ne vous asphyxient pas (et vous intéressent au moins un peu), vous aimerez ou adorerez lire ce troisième livre de cet ex-cycliste de bon niveau.
Dans chacun des 12 chapitres de ce livre, Haralambon raconte l’histoire d’un Grand de la Route sans le nommer. Peu importe que vous arriviez à reconnaître par exemple Lance Armstrong ou Jean Nuttli, vous vous délecterez des acrobaties grammaticales d’Haralambon, ce virtuose du dire. J’admets que je n’ai pas reconnu tous les cyclistes auxquels il fait référence ; n’empêche, j’ai continué à surfer sur mon plaisir littéraire jusqu’à la dernière goutte de ce livre enivrant que je relis encore et encore avec délectation.
Haralambon jongle avec des thèmes porteurs et stupéfiants avec l’agilité d’un artiste du Cirque du soleil : la pauvreté, la religion, l’immigration, la peinture, etc.
Extrait, pour vous donner une idée du niveau :
Lorsqu’il s’agit de démarrer dans une côte, de danser sur ses roues qui oscillent pendant que montent des pieds jusqu’à la gorge brûlure et étouffement, personne ou presque ne lui arrive au pédalier. Il se déchire, ai-je dit incomplètement : il se déchire en beauté. Il est ce danseur fou du Moyen Âge qu’une cause mystérieuse traîne au gouffre de l’épuisement. Ses muscles qu’il lacère, au point de les voir, les fractions de temps où il ferme les yeux, se détacher et flotter en lambeaux autour de lui, haillons de chair excitant les corneilles, sont pourtant aspirés dans le même sens. Il ne mesure pas, il transgresse : il est à lui-même sa propre loi, et il se viole.
Ouffff ! Larmes d’encre.
Disponible sur amazon.ca => Les coureurs imaginaires (2019) – Olivier Haralambon
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