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L’entraînement à jeun, une pratique à questionner ?

L’entraînement à jeun a longtemps été considéré comme une technique efficace pour perdre du poids. Toutefois, des études récentes indiquent qu’au contraire, il est moins difficile de dépenser à l’entraînement une grande quantité de calories si l’on profite d’un apport en glucides. Bien qu’on utilise moins de lipides durant un entraînement précédé d’un apport en glucides, on en oxyde davantage au cours des heures qui suivent l’effort. Bien qu’il soit bien documenté (voir lectures suggérées), ce phénomène est encore peu connu.

S’entraîner à jeun est aussi une pratique courante chez les athlètes qui espèrent ainsi améliorer leur aptitude aérobie (endurance) et, donc, leurs performances. Toutefois, on s’est rarement penché sur les effets de l’entraînement à jeun sur la performance lors d’épreuves de longue durée.

On peut penser que l’entraînement à jeun stimule davantage l’oxydation des lipides et, qu’ainsi, il améliore l’aptitude à produire de l’énergie par oxydation des gras davantage que l’entraînement suivant un repas. Aussi la stimulation accrue de l’oxydation des lipides se traduirait-elle par une amélioration de la performance dans les épreuves de longue durée.

Dans l’étude Beneficial metabolic adaptations due to endurance exercise training in the fasted state (2011), on a divisé 20 hommes physiquement actifs en deux groupes, le premier s’entraînant à jeun, le second s’entraînant avec un apport en glucides suffisant, avant et pendant l’exercice. Tous les tests et séances d’entraînement ont été exécutés à vélo. Pendant six semaines, les deux groupes ont suivi un entraînement identique, comprenant deux séances de 60 minutes et deux séances de 90 minutes de pédalage à 70 % de leur consommation maximale d’oxygène (VO2max).

Au début puis à la fin des six semaines d’entraînement, tous les sujets ont effectué un test d’évaluation du VO2max, un contre-la-montre d’une heure, et un test à jeun de deux heures à charge constante (environ 65 % du VO2max de départ).

Lors de l’exercice à jeun, l’oxydation totale des lipides était presque deux fois plus élevée.

Après les six semaines d’entraînement, le VO2max des 20 sujets avait augmenté de 9 %, leur performance au contre-la-montre de 8 % et la densité capillaire dans le muscle vaste latéral de 10 %. Seuls les sujets entraînés à jeun ont augmenté leur taux d’oxydation des lipides intramusculaires pendant l’exercice. En effet, alors que le contenu en lipides intramusculaires n’a pas changé au cours des six semaines d’entraînement, ni dans un groupe, ni dans l’autre, leur utilisation a plus que doublé chez les sujets entraînés à jeun, alors qu’aucun changement n’a été observé chez les sujets de l’autre groupe.

Ainsi, pour une même intensité et un même volume d’entraînement, l’entraînement à jeun constituerait un meilleur stimulus que l’entraînement avec apport glucidique pour l’amélioration de la capacité oxydative musculaire.

Mais attention ! Dans l’étude, ces adaptations ne se sont pas traduites par une amélioration supérieure de la performance chez les sujets entraînés à jeun.

Pendant les séances d’entraînement, les sujets ne tenaient qu’une intensité de 70 % de leur VO2max. Or, on sait que l’entraînement à des intensités supérieures permet d’obtenir des améliorations plus importantes de l’aptitude aérobie. Le hic, c’est que les athlètes peuvent moins facilement tenir des intensités très élevées quand ils sont à jeun.

Tout compte fait, l’entraînement avec apport suffisant en glucides est plus avantageux, car il permet de maintenir des intensités de travail plus élevées ou plus longtemps, pour un même niveau de fatigue. Ainsi, cet avantage de l’entraînement plus intense s’oppose à l’avantage de l’entraînement à jeun, soit la stimulation plus importante du métabolisme des lipides.

Bref, l’entraînement à jeun stimule le métabolisme oxydatif davantage que l’entraînement avec apport glucidique, mais il est plus difficile et on n’est pas certain qu’il se traduise par de meilleures performances.


Avec la participation de Myriam Paquette


Lectures suggérées
Effect of training in the fasted state on metabolic responses during exercise with carbohydrate intake (2008)
Exercising fasting or fed to enhance fat loss ? Influence of food intake on respiratory ratio and excess postexercise oxygen consumption after a bout of endurance training (2011)
Lipoxmax – Mythe ou réalité ? Sport et Vie (2010)


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

  1. Romuald dit :

    @Errol Desfossés, pas certain que sur des épreuves où l'indice d'endurance l'emporte, l'entraînement à jeun soit une bonne stratégie (fatigue psychologique, blessures). L'entraînement bi-quotidien place l'organisme dans le même genre de situation (pour la deuxième session quotidienne, s'entend) avec l'avantage de maintenir un kilométrage élevé. Pour ce qui est de commuter sur l'utilisation des lipides le jour de l'épreuve, leur consommation préférentielle la semaine précédente a largement fait ses preuves.

  2. Errol Desfossés dit :

    Je crois que la stratégie de l'entrainement à jeun est payante pour les distances au delà du marathon. Elle y prend tout son sens compte tenu de la filière énergétique mis en jeu dans les ultra marathons et ultratrails

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