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Prévenir le cancer en pédalant ?

Si l’on peut facilement comprendre que pédaler réduit le risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques, les mécanismes expliquant son rôle préventif vis-à-vis du cancer sont moins connus. Et pourtant !

Depuis quelques années, on accumule de plus en plus de données indiquant clairement que l’entraînement aérobie réduit aussi le risque de certains cancers. Cette réduction du risque serait élevée pour le cancer du côlon et de l’endomètre (de 30 à 50 %) et encore plus élevée pour le cancer du sein chez les femmes ménopausées (de 50 à 60 %). Et des recherches encore plus récentes suggèrent que l’exercice physique aérobie prévient également le cancer du poumon, du pancréas, de la prostate et du testicule, bien qu’à un degré moindre.

Le cancer est une maladie caractérisée par une prolifération anormale et incontrôlée de cellules qui envahissent tout d’abord un tissu pour former une tumeur et qui finissent par se propager dans l’organisme sous forme de métastases. Touchant plus de quatre personnes sur dix, le cancer est responsable de près d’un décès sur trois. Un cancer résulte de l’interaction entre une prédisposition génétique et l’exposition à des facteurs cancérigènes tels ceux présents dans l’environnement, l’obésité et les mauvaises habitudes de vie, le vieillissement ou encore certains virus et hormones. Le cancer apparaît lorsque l’ADN de la cellule est endommagé ou altéré, et se développe en présence d’agents cancérigènes.

Mais comment se fait-il que pédaler puisse avoir un tel effet préventif vis-à-vis de certains cancers ? En fait, on connaît au moins sept mécanismes physiologiques qui pourraient expliquer le lien entre la pratique cycliste et la réduction du risque de cancer.

Contrôle de la masse grasse – Le premier et le plus important de ces mécanismes est le maintien d’un poids normal et, pour les personnes qui ont du poids à perdre, la réduction du volume de tissu adipeux découlant de l’entraînement. Les adipocytes sont des cellules agissant comme de véritables glandes paracrines (qui sécrètent des substances agissant sur des tissus avoisinants) et endocrines (qui sécrètent des substances dans la circulation sanguine agissant sur des tissus cibles distants). Or, plusieurs des substances libérées par les adipocytes dans la circulation accélèrent la prolifération des cellules cancéreuses.

La graisse corporelle en excès est une source d’œstrogènes (hormones associées au cancer du sein). Or, les œstrogènes réduisent l’activité d’un élément clef du système immunitaire qu’on appelle « cellules tueuses ». Cette réduction de l’activité des cellules tueuses accentue la multiplication des cellules cancéreuses. La graisse libère aussi des cytokines, qui augmentent l’inflammation chronique, ce qui crée un milieu propice au développement des cellules cancéreuses. Bref, trop de gras = plus de cellules cancéreuses, car + d’œstrogènes et de cytokines.

Réduction de l’action d’hormones sexuelles – L’exercice physique aérobie comme le VTT inhibe l’effet négatif qu’ont les œstrogènes sur l’activité des cellules tueuses. Et s’il s’accompagne d’une perte de poids, l’exercice réduit la quantité d’œstrogènes et d’androgènes (hormones associées au cancer de la prostate et du testicule) en circulation dans le sang.

Amélioration de la fonction immunitaire – L’exercice physique améliore la circulation sanguine et accroît le nombre de cellules tueuses qui circulent librement dans le corps, d’où une réduction de la prolifération des cellules cancéreuses. Mais attention ! Trop d’entraînement peut avoir l’effet inverse.

Diminution de la résistance à l’insuline – On sait depuis plusieurs années que l’activité physique améliore la sensibilité à l’insuline, ce qui permet au glucose de pénétrer à l’intérieur des cellules plus facilement, avec moins d’insuline. L’entraînement à vélo résulte donc en une diminution de la quantité d’insuline circulante pour une même élévation de la glycémie (taux de sucre dans le sang), après un repas. Or, une concentration moins élevée d’insuline diminue la prolifération des cellules cancéreuses, et réduit l’effet antiapoptose. L’antiapoptose empêche le déclenchement normal de la mort cellulaire par autodestruction. En clair, pédaler = moins d’insuline = moins de cellules cancéreuses qui apparaissent + taux plus élevé de décès naturel de cellules cancéreuses.

Diminution de l’activité inflammatoire – Processus normal qui permet la « réparation » de tissus lésés, l’inflammation est essentielle pour maintenir l’intégrité du corps humain. Mais elle présente l’inconvénient de favoriser le développement de cellules cancéreuses. En effet, lorsqu’elle devient chronique, l’inflammation est doublement associée au développement de cellules cancéreuses : par la sécrétion des cellules pro-inflammatoires (qui induisent la prolifération des cellules cancéreuses) et par l’augmentation du nombre de vaisseaux sanguins qui alimentent les cellules cancéreuses au pourtour du tissu inflammé. Le phénomène d’inflammation permet au cancer d’envahir l’organisme et de poursuivre sa croissance. On estime que plus d’un cancer sur six est directement lié à un état d’inflammation chronique. La bonne nouvelle, c’est que la contraction musculaire vient contrecarrer l’inflammation en augmentant la sécrétion dans la circulation sanguine de substances anti-inflammatoires qui inhibent l’activité de facteurs pro-inflammatoires.

Effet antioxydant – L’oxydation se produit lorsque l’oxygène entre en contact avec une substance et entraîne une réaction chimique. Cette réaction libère des électrons, qu’on appelle « radicaux libres ». Ces derniers peuvent endommager les tissus avoisinants par collision. Résultat : l’ADN de certaines cellules peut être endommagé, ce qui est à l’origine du développement de cellules cancéreuses. Certes, la consommation d’oxygène accrue au cours de l’exercice aérobie augmente la présence de radicaux libres dans l’organisme. Mais pour pallier cette augmentation, le corps s’adapte en améliorant ses défenses antioxydantes : l’activité des enzymes chargées de neutraliser les radicaux libres augmente.

Diminution du temps de transit intestinal – En diminuant le temps de transit intestinal, l’activité physique aérobie comme le VTT permet de réduire le temps de contact entre les selles et la muqueuse de l’intestin, ce qui atténue le risque de modification de l’ADN des cellules. Rouler favorise également l’évacuation des acides de la vésicule biliaire qui peuvent devenir cancérigènes s’ils entrent en contact avec les bactéries du système digestif.

En conclusion, le rôle préventif de l’exercice physique aérobie vis-à-vis certains cancers est une raison de plus pour faire du VTT !

Avec la participation d’Annabelle Dumais

Pour en savoir davantage

Thibault G. Entraînement cardio, sports d’endurance et performance. Vélo Québec Éditions, Collection Géo Plein Air, 264 p., 2009.

Thibault G. En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer. Vélo Québec Éditions, Collection Géo Plein Air, 192 p., 2013.


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Guy Thibault

Professeur associé à l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique, Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Guy a été, de 2017 à 2022, directeur des Sciences du sport de l’Institut national du sport du Québec. Ses deux derniers livres sont des succès de librairie : Entraînement cardio, sports d’endurance et performance ; et En pleine forme, conseils pratiques pour s’entraîner et persévérer.

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