Notre analyse inter-nations suggère que les taux de mortalité liés à la Covid-19 semblent davantage liés à la prévalence de l’obésité qu’aux ressources humaines en santé.
Pour apprécier les déterminants du taux de mortalité lié aux trois premières vagues de la Covid-19 durant les années 2020 et 2021, l’Organisme de Coopération de Développement Économique (OCDE) et l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont publié des données pertinentes :
- le nombre de décès par million d’habitants ;
- la prévalence de l’obésité ;
- un indice des ressources en santé.
L’indice retenu pour refléter les ressources en santé est le pourcentage du nombre de travailleurs de la santé par rapport à celui de l’ensemble des travailleurs. Ces pourcentages varient de façon importante parmi les 20 pays pour lesquels on dispose de données valides pour la mortalité liée à la Covid-19 : entre 5,6 % pour la Lettonie, et 20,2 % pour la Norvège.
Il ressort des études de l’OCDE et de l’INSPQ que la Covid-19 tuait moins dans les pays où les ressources humaines en santé étaient supérieures. C’est la Hongrie qui a le plus haut taux de mortalité liée à la Covid-19 avec 3070 décès par million d’habitants. Ce pays a également un des plus faibles scores pour les ressources humaines en santé, soit 6,8 %. Pour la Norvège (ressources humaines en santé : 20,2 %), le taux de mortalité liée à la Covid-19 est faible, avec 148 décès par million d’habitants. Quant au Canada, son score de ressources humaines en santé est de 11,4 %, et son taux de mortalité liée à la Covid-19 de 699 décès par million d’habitants. Le Québec faisait moins bien, avec 1260 décès par million d’habitants, et un indice de ressources humaines en santé de 8,1 %.
Notre analyse statistique indique qu’environ le tiers de la variance inter-pays de la mortalité liée à la Covid-19 est associé à la variance de l’importance des ressources en santé.
Les Centres de contrôle pour la prévention des maladies aux États-Unis avancent que l’obésité accroît de façon importante la mortalité chez les patients atteints de Covid-19. Notre analyse statistique va dans ce sens : la mortalité liée à la Covid-19 varie selon le pourcentage de la population qui a un indice de masse corporelle plus grand que 25, qui indique un embonpoint ou une obésité. Il n’est donc pas surprenant :
1) que le Japon, qui enregistre le plus faible pourcentage de population en surpoids (27,2 %) avait la plus faible mortalité liée à la Covid-19, soit 117 décès par million d’habitants ;
2) que les États-Unis, pays qui affichait le plus haut pourcentage de la population avec embonpoint et obésité (73,1 %), avait un taux de mortalité liée à la Covid-19 très élevé avec 1824 décès par million d’habitants.
Pour le Canada, le pourcentage de la population avec embonpoint et obésité s’élevait à 59,8 %, et la mortalité liée à la Covid-19 se chiffrait à 699 décès par million d’habitants. Pour le Québec, ces valeurs sont 58,6 % pour le surpoids avec 1260 décès par million d’habitants.
Notre analyse statistique indique qu’environ le tiers de la variance inter-pays de la mortalité liée à la Covid-19 était associée à la variance de la prévalence du surpoids.
Ainsi, les ressources humaines en santé réduiraient la mortalité liée à la Covid-19, tandis que l’obésité l’augmenterait. Pour apprécier le lien entre, d’une part, les ressources humaines en santé et la prévalence de l’excès de poids et, d’autre part, la mortalité liée à la Covid-19, on a effectué une analyse statistique particulière qu’on appelle « analyse de régression multiple ».
Cette analyse indique qu’un peu plus de la moitié (53,0 %) de la variance inter-pays de la mortalité due à la Covid-19 est associée à la conjugaison de ces deux facteurs.
Un article publié le 14 novembre 2022 dans La Presse indiquait que l’obésité au Québec a augmenté de 3,7 points de pourcentage entre 2015 et 2020. Statistiquement, cela correspond à 115 décès par million d’habitants. Pour l’ensemble de la population du Québec, cette augmentation de l’obésité signifierait 989 décès supplémentaires, soit 9,1 % des décès liés à la Covid-19 au cours des trois premières vagues (année 2020, et les 11 premiers mois de 2021).
Notre analyse statistique révèle qu’il aurait fallu augmenter les ressources humaines en santé de 1,3 point de pourcentage pour contrer la morbidité découlant de cette augmentation de l’obésité entre les années 2015 et 2020. Si, comme de plus en plus d’observations l’indiquent, l’augmentation de la prévalence du surpoids dans la population québécoise s’accélère, l’augmentation des ressources en santé nécessaire pour que la morbidité liée à une épidémie comme celle de la Covid-19 n’augmente pas serait encore plus élevée.
Les données issues de nos analyses font ressortir l’importance d’intensifier les mesures pour prévenir l’excès de poids au sein de la population.
Collaboration spéciale de Daniel Cousineau, MD, Ph. D.
Médecin-chercheur, Université McGill, de 1981 à 1999 ; Médecin-enseignant, Groupe de Médecine Familiale Universitaire, Université de Montréal, de 2008 à 2019.
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