« Avalanche ! »
Le mot terrifie en montagne comme le mot « requin ! » à la mer.
En France seulement, de 2019 au début 2020, on a recensé 46 accidents et 12 décès liés aux avalanches… En Suisse sur une période à peu près similaire, 107 incidents ont eu lieu, prenant la vie de 13 personnes. Dans ces deux pays où le hors-piste compte de nombreux et fervents adeptes, on dénombre en moyenne, plus d’une centaine de morts par année !
Si en Europe le hors-piste est pratiqué depuis les années 1930 et que le nombre de skieurs s’est considérablement accru au cours des dernières décennies ; au Québec l’engouement pour cette activité est encore assez récent. Dans la province les statistiques sont beaucoup moins élevées pour l’instant ; notamment parce que le terrain est moins accidenté et peu complexe et que les aficionados de la poudreuse y sont moins nombreux.
Les avalanches tuent aussi dans la belle province
Depuis 1825, 3,8 personnes par décennie sont mortes sous une avalanche ; soit 0,4 personne par année. Mais depuis 1950, il y a eu une forte augmentation du taux de mortalité. Quelques régions reçoivent des précipitations neigeuses annuelles abondantes et offrent des pentes à l’inclinaison suffisamment prononcée : les deux conditions pour créer un terrain avalancheux.
Aujourd’hui, les nouveaux adeptes de « ski de montagne », de splitboard et de randonnée en raquettes se multiplient ! D’où un risque accru. D’après Avalanche Québec, de 2001 à 2017 la région du Parc de la Gaspésie à elle seule aurait vu une croissance des activités hivernales de 740 % !
Ce qui est bien, c’est que de plus en plus personnes suivent un cours d’introduction à la sécurité en avalanche (CSA-1) : environ 800 en 2019 par rapport à 600 en 2017. En 2019-2020, il y a eu 19 avalanches dans les Chic-Chocs. Cette année, tristement, c’est Jean-Marc Dion, un jeune passionné qui a « ouvert le bal. » Bien qu’entraîné et équipé, lui et ses trois amis, pour des raisons encore inconnues, ont ignoré ou n’ont pas pris connaissance du bulletin d’avalanche qui indiquait un niveau de risque « considérable. »
Pourquoi suivre un cours de sécurité en avalanche ?
Premièrement, pour acquérir des connaissances de terrain et identifier une zone à risques. Deuxièmement pour apprendre à évaluer une situation afin de prendre des décisions qui vont réduire les risques. Ceci peut souvent conduire à annuler une sortie, à faire marche arrière ou à changer de terrain afin d’éviter de s’exposer à un danger. Troisièmement, afin d’apprendre les techniques pour minimiser le risque d’être enseveli lors d’une avalanche et pour intervenir afin de dégager des victimes et ainsi, sauver des vies.
Lors d’une formation, on nous enseigne aussi les mécanismes déclencheurs d’une avalanche et comment estimer et tester la résistance du manteau neigeux et déterminer la faiblesse des couches inférieures.
En hors-piste il faut d’abord s’éduquer, ensuite s’équiper et finalement s’entraîner.
Il est très facile de se laisser griser par la neige, les amis, le fun et l’ambiance. On peut alors devenir complaisant, se laisser influencer ou se fier à la connaissance des autres. Pourtant, en montagne il faut sans cesse être attentif, analyser le terrain et rester à l’écoute de son instinct ou de celui des membres du groupe. Une bonne cohésion d’équipe avec un chef désigné et reconnu seront des atouts pour les prises de décisions en situation d’urgence.
Si le niveau des membres d’un groupe est similaire, les évaluations et les décisions devraient se faire de façon conjointe. Il n’est pas conseillé de baser les décisions sur l’expérience (ou l’ego) d’une seule personne, même confirmée, à moins que celle-ci n’ait l’expertise d’un guide certifié, par exemple. Mais rappelez-vous que personne n’est infaillible, pas même un guide certifié. Il faut par ailleurs toujours considérer les débutants. Il est aussi important de partager les informations et d’expliquer les raisons des décisions afin de sensibiliser et éduquer les débutants aux dangers potentiels.
Il faut impérativement consulter les bulletins météo et les bulletins d’avalanche. Mais attention : en montagne la météo change rapidement, et chaque secteur comporte des risques différents. Il faut donc constamment analyser le terrain.
L’évaluation du terrain
Vous connaissez l’adage « un malheur n’arrive jamais seul ? » Il en va souvent de même pour le risque ! En plus de la possibilité de déclencher une avalanche et d’être enseveli, l’environnement et la topographie du terrain montagneux, quelle que soit son inclinaison, présentent de nombreux pièges qu’il faut connaître et savoir identifier : arbres, racines, branches, rochers (souvent invisibles sous le manteau neigeux), ruisseaux, corniches, glace, plaque à vent, goulet, crevasses etc. Il faut « comprendre » le terrain et évaluer constamment chaque passage afin de déterminer des itinéraires sécuritaires, des zones de transition, des îlots de sécurité, tant en montée qu’en descente.
Les trois outils de survie
Le DVA (détecteur de victime d’avalanche)
En hors-piste, c’est comme votre American Express pour un voyage aux Caraïbes, ne partez jamais sans ! Bichonnez-le en tout temps. Quand je voyage, pour le protéger, j’enroule le mien, sans ses batteries, dans un brassard gonflable pour bébé (aide à la natation). Assurez-vous avant chaque première montée qu’il fonctionne aussi bien en mode transmission que recherche. Ne le placez pas à côté de votre téléphone cellulaire ni d’une source magnétique importante. N’utilisez jamais de piles rechargeables. Et, surtout, apprenez à vous en servir les yeux fermés. Il ne faut jamais partir en hors-piste sans un DVA fonctionnel, que ce soit pour assurer sa propre sécurité ou pour sauver la vie de ses compagnons.
La sonde
Une fois que vous aurez localisé la victime grâce à la recherche effectuée à l’aide d’un DVA, chaque seconde est critique. La sonde sert à localiser la victime avec précision et à évaluer avec certitude la profondeur à laquelle elle est ensevelie. Même si votre DVA indique la profondeur à laquelle une victime se trouve, l’utilisation de la sonde est incontournable !
Règle à retenir : Le DVA mène à la SONDE, la sonde mène à la PELLE et la pelle mène à la VICTIME !
Dans un cours CSA, on voit comment sonder adéquatement et comment organiser efficacement une recherche pour une ou plusieurs victimes ensevelies.
La pelle
Pelleter de la neige peut être extrêmement épuisant. En moins d’une ou deux minutes vous serrez à bout de forces. Il est donc vital de pratiquer le pelletage et de développer une technique car, à ce stade, chaque seconde peut faire la différence entre la vie et la mort. Savoir pelleter efficacement est un autre sujet abordé dans un cours de sécurité en avalanche.
Finalement, le dernier outil « secret » que je voudrais partager avec vous : LE RENONCEMENT.
Quand vous êtes confrontés aux complexités et à l’incertitude dans vos évaluations en milieu alpin, la philosophie de l’un des trois « véhicules » du bouddhisme trouve toute sa place dans votre processus décisionnel. Il m’est arrivé de nombreuses fois de faire demi-tour ; malgré une quarantaine de kilomètres en voiture, puis une vingtaine en motoneige, une longue approche et une ascension pénibles, alors que le couloir se profile enfin devant vous. Difficile alors d’ignorer tous ces efforts. Et pourtant ! Si vous avez des doutes, que vous n’êtes pas sûr de vos décisions, de la météo changeante, d’un « whoooopf » alors que vous progressez tout en testant le terrain ou tout simplement que vous ne « sentez » pas la situation.
Écoutez votre instinct plutôt que votre ego, renoncez et faites demi-tour ! C’est un choix volontaire qui peut tout simplement vous sauver la vie. Et dites-vous qu’ainsi il y aura une prochaine fois.
Attention ! Cette chronique n’est pas un cours de sécurité en avalanche et ne peut en aucun cas s’y substituer.
Lors de ma première sortie en hors-piste, j’ai vu un ami emporté par une avalanche de taille 2.5 sous ses yeux ; heureusement sans conséquences graves. Après une formation CSA-1 et CSA-2, dix saisons de hors-piste en haute montagne dans les rocheuses canadiennes, des formations Glacier 1 et 2, Orientation et Premier répondant en régions éloignées, j’estime toujours ne presque rien connaître à la montagne ni sur les avalanches, tant la complexité et la variété des situations et des circonstances sont grandes.
Cinq mythes sur les avalanches
Contrairement à l’opinion populaire, les avalanches ne sont pas l’apanage des grands milieux alpins tels les Alpes ou les Rocheuses, elles se produisent partout où il neige.
- Les avalanches arrivent seulement l’après-midi. Faux ! Bien que l’action solaire soit un facteur qui réduit la cohésion des couches de neige, beaucoup d’avalanches se déclenchent entre 9 et 13 heures.
- Un bon skieur peut facilement échapper à une avalanche. Faux ! 1) De nombreux skieurs experts se font prendre et perdent la vie. 2) Bien que certaines avalanches « humides » se déplacement à une vingtaine de kilomètres à l’heure, une avalanche de taille moyenne peut atteindre 130 km/h et, dans certains cas, jusqu’à 350 km/h !
- On peut s’extraire soi-même d’une avalanche. Faux ! À moins d’être très superficiellement enseveli car, dans la plupart des cas, la densité de la neige est comparable à celle du béton liquide.
- Un bruit sourd peut déclencher une avalanche. Faux ! La force du son n’est pas suffisante, sauf peut-être celle d’un explosif à courte distance. 90 % des avalanches sont déclenchées par une surcharge du manteau neigeux et un surcroît de pression sur la couche supérieure.
- Une fois enseveli, on peut cracher ou uriner pour savoir où se trouve le haut Faux ! même si vous arrivez à savoir dans quelle position vous êtes, le poids des débris qui vous emprisonnent rend une auto-extraction impossible.
Où suivre une formation CSA-1/CSA-2 au Québec :
www.lecouloirmurdochville.com
www.attitudemontagne.com
www.expeaventures.com
www.vertigo-aventures.com
www.skichicchocs.com
Pour plus d’information sur les avalanches :
www.avalanche.ca
www.avalanchequebec.ca
Lectures suggérées
Avalanches, comment réduire le risque, de Philippe Descamps et Olivier Moret
Staying Alive in Avalanche Terrain, de Bruce Tremper (en anglais seulement)
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